Les défis de l’accueil

La chaine franco-allemande Arte TV a récemment consacré une soirée thématique à l’accueil des réfugiés, sous le titre : « les défis de l’accueil ».

Pas moins de cinq documentaires furent diffusés le 2 février. Trois d’entre eux, « les défis de l’accueil », « le business de l’urgence » et « Balkans transit » étaient des reportages sur différents aspects de la crise de l’immigration.

Pour les Français, l’afflux des réfugiés est principalement un phénomène qu’ils regardent à la télévision. Notre pays a accepté d’accueillir 24.000 d’entre eux par an, ce qui représente 0,04% de la population. En comparaison, c’est 1,1 million de réfugiés qui sont arrivés en Allemagne en 2015.

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Accueil de migrants sur l’ancien aéroport de Berlin Templefhof

1,1 million de réfugiés en Allemagne

Des reportages, je retiens l’immense effort fourni par l’Allemagne. Il a fallu identifier des locaux aptes à accueillir des réfugiés (hôtels, immeubles vacants, sanatoriums désaffectés, et jusqu’à l’ancien aéroport berlinois de Tempelhof). En quelques semaines, parfois quelques heures, on les a rendus habitables, on a amené des meubles, organisé des cantines, dressé des tentes, placé des conteneurs habitables.

L’État et les Länder ont organisé cet accueil. Mais ils s’appuient sur une masse de bénévoles qui accueillent les immigrants, s’occupent de leur santé, prennent en charge les familles, scolarisent les enfants et donnent des cours d’allemand.

L’accueil des migrants est devenu aussi un fructueux business dans des domaines tels que la construction, le mobilier, les transports privés et la sécurité. Les milliards d’euros investis pour accueillir les migrants agissent comme un énorme plan de relance de l’économie, au moment où les industries allemandes d’exportation souffrent du ralentissement de l’économie chinoise.

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Une longue route, en hiver

Le corridor des Balkans

Beaucoup de migrants arrivant en Allemagne sont venus par la Turquie et la Grèce, puis par un « corridor » traversant la Macédoine, la Serbie, la Croatie puis l’Autriche. D’un jour à l’autre, des routes se ferment, il faut en essayer d’autres. Le smartphone est devenu un bien de première nécessité. C’est lui qui, en permanence, fournit l’information qui permettra de se diriger. C’est lui que l’on recharge, chaque soir, lorsqu’on a la chance d’avoir accès à l’électricité. On pourrait se priver de manteau, mais pas de smartphone.

Parmi les vicissitudes d’itinéraires, la décision de la Macédoine de ne laisser passer vers le nord que les ressortissants de pays en guerre (Afghanistan, Irak, Syrie) a laissé désemparés des milliers de ressortissants d’autres pays, bloqués en Macédoine alors qu’ils ont déjà tout perdu entre les mains de passeurs.

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Rêvant de Paris, la ville sur laquelle des hélicoptères vaporisent du parfum

Comme une pluie de parfum

Deux documentaires s’intéressent à des personnes. Pour réaliser « comme une pluie de parfum », les Français Claire Billet et Olivier Jobard ont accompagné deux jeunes Afghans dans leur périple vers l’Europe, prenant parmi eux des risques insensés, comme la traversée en zodiac surchargé vers l’île grecque de Samos. Dans la première scène, ils se racontent ce qu’ils savent de Paris : que chaque jour des hélicoptères vaporisent du parfum sur la ville… Les deux cinéastes les accompagnent jusqu’en France. Une fois à destination, ils ne peuvent répondre à leur demande de secours. En voyage, ils étaient devenus frères et sœurs avec eux ; ils sont maintenant des représentants d’une société française qui les rejette.

Dans « le difficile chemin vers l’Europe », la réalisatrice grecque Marianna Economou a choisi de filmer deux jeunes gens, l’Irakien Ali Jasim et le Syrien Alsaleh Mohamed, incarcérés dans une prison dans la Grèce centrale. L’un et l’autre sont accusés d’être des passeurs et risquent jusque 25 ans de prison. J’ai été passionné par ce reportage, en raison de ma propre activité de visiteur de prison.

Alsaleh et Ali dans une prison grecque
Alsaleh et Ali dans une prison grecque

Dans une prison grecque

Comme dans les prisons françaises, l’école où l’on apprend la langue du pays est l’un des seuls lieux où l’on respire un peu. Une travailleuse sociale jouant le rôle des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation s’efforce d’apporter de l’aide. Le personnel pénitentiaire est professionnel et plutôt bienveillant. Le téléphone est mis gratuitement à la disposition des détenus pour appeler leur famille. Les conversations sont pathétiques, faisant s’entrechoquer l’angoisse du détenu loin de sa famille et les horreurs vécues là-bas, la disette, les récoltes brûlées, les amis massacrés.

Une chose est certaine : le flux d’immigrants va peut-être se ralentir quelque peu en raison des barrières aux frontières, de l’aide européenne à la fixation des migrants en Turquie et de l’information donnée à leur famille à ceux qui sont arrivés en France ou en Allemagne sur les difficultés qui les attendent sur place. Mais il ne se tarira pas. Ceux qui ont vendu leur maison et leurs biens pour payer les passeurs ne renonceront pas en chemin.

L’intégration en peu de temps de millions d’immigrants en Europe pose naturellement des problèmes aigus, ainsi qu’en témoignent les incidents du nouvel an à Cologne ou le quotidien de la jungle de Calais. Mais la masse de ceux qui arrivent sont jeunes, courageux, prêts à tout pour travailler et s’intégrer. La Chancelière Merkel a bien compris qu’ils constituaient une chance pour la vieille Allemagne menacée par le déclin démographique. Leur faire une place est une exigence d’humanité. C’est aussi un choix stratégique.

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L’un des points de passage du corridor des Balkans

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