Canal+ a récemment diffusé « Les éblouis », premier film de Sarah Suco, dans lequel une adolescente lutte contre l’emprise d’une secte.
Tout commence suavement : une paroisse d’Angoulême, animée par un prêtre charismatique (Jean-Pierre Darroussin). Une paroisse dont les messes sont gaies, animées au son des guitares ; une paroisse accueillante, dans laquelle on ne se contente pas de bonjour-aurevoir, on partage des repas, on fait la charité aux pauvres.
La paroisse sert de vitrine à la Communauté de la Colombe, où vivent des religieux, des religieuses et des laïcs sous la conduite du prêtre, reconnu comme « berger ». Christine Lourmel (Camille Cottin) et son mari Frédéric (Éric Caravaca) décident de vivre, eux et leurs quatre enfants, au sein de cette communauté où se pratiquent au quotidien les valeurs chrétiennes auxquelles ils croient.
L’aînée des enfants, Camille (Céleste Brunnquell) ne voit pas d’un mauvais œil cette nouvelle vie. Le premier craquement vient lorsqu’elle, qui se passionne pour le cirque, interprète pour la communauté un numéro de clown se moquant gentiment des ses prières. La religion ne fait pas bon ménage avec le rire. Le Berger la recadre durement et exige qu’elle abandonne l’école du cirque.
Peu à peu, elle découvre l’emprise totalitaire de la secte : obéissance aveugle au Berger, que l’on accueille en bêlant comme des moutons ; aliénation du patrimoine familial et dépendance financière à l’égard du groupe ; rupture des relations avec l’extérieur, y compris avec les parents que l’on diabolise en les accusant de pédophilie.
La communauté exige de ses membres qu’ils demandent publiquement pardon pour leurs errements à l’égard de la norme. Les déviants sont mis à l’écart lors des repas et enfermés à clé la nuit. Les séances d’exorcisme dans la salle de prière sont terrifiantes de violence.
Camille entretient des points d’ancrage qui lui évitent de sombrer, comme ses parents, dans l’infantilisation et la folie. Elle rencontre en secret ses grands-parents maternels, ostracisés par la secte. Sur le chemin du lycée, elle troque sa robe longue vieillotte contre des pantalons moulants. Et surtout, elle entre dans une dynamique amoureuse avec Boris, un élève de l’école du cirque.
Le point de rupture est proche. Il faut choisir, se sauver soi-même, sauver ses frères et sœurs.
« Les éblouis » est un excellent film. Le scénario révèle par petites touches la perversité d’une communauté qui parvient à grignoter les personnalités jusqu’à ce que n’existent plus que des frères et sœurs indifférenciés ; une communauté dans laquelle, faute de régulation, toutes les déviances sont possibles.
La jeune Céleste Brunnquell est formidable d’un bout à l’autre du film, adolescente tiraillée entre l’amour fidèle pour ses parents et la lucidité. Jean-Pierre Darroussin, que l’on voit souvent dans des rôles de losers, joue de manière convaincante celui d’un manipulateur pervers et sans scrupules. Camille Cottin et Éric Caravaca portent avec justesse les personnages de parents qui sombrent dans la folie et risquent, avec eux, de détruire la vie de leurs enfants.