Les Grecs outragés

Dans The Guardian du 16 juin, Costas Douzinas, professeur de droit à Birkbeck, Université de Londres, parle du mouvement grec des « outragés » comme de la réplique de la démocratie athénienne classique (« this is classic democracy »).

 En Espagne ils sont « indignados », indignés. En Grèce, ils sont « aganaktismenoi », outragés. La Place de la Constitution, Syntagma, est occupée par des protestataires comme d’autres places centrales de métropoles grecques. « Se désignant comme « les outragés », les gens ont attaqué la paupérisation injuste des travailleurs grecs, la perte de souveraineté qui a transformé le pays en un fief des banques et la destruction de la démocratie. Leur demande est que les élites politiques corrompues qui ont dirigé depuis 30 ans, s’en aillent.

 « A Syntagma, le parallèle avec l’agora athénienne classique, qui se trouvait à quelques centaines de mètres de là, est frappant. On donne aux aspirants orateurs un numéro et ils sont appelés sur l’estrade si leur numéro est tiré, un rappel de ce que dans l’Athènes classique les titulaires de charges étaient tirés au sort. Les orateurs s’en tiennent à leur créneau de deux minutes, de manière à permettre au plus grand nombre de contribuer. L’assemblée est gérée sans le chahut habituel, et les sujets vont de nouveaux types de résistance et de solidarité internationale aux alternatives aux mesures catastrophiquement injustes.

 «C’est la démocratie en action. Les vues du chômeur et du professeur disposent du même temps pour s’exprimer, et sont discutées avec une égale vigueur et mises au vote. Les outragés ont revendiqué la place et l’ont transformée en un espace d’interaction publique. Si la démocratie est le pouvoir du « demos », c’est-à-dire la loi de ceux qui n’ont pas de particulière qualification pour faire la loi, que ce soit par l’avoir, le pouvoir ou le savoir, c’est la chose la plus proche de la pratique démocratique dans l’Europe d’aujourd’hui. »

 On voit bien tout ce que le mouvement peut charrier de chimères (le rêve d’une Grèce isolée dans sa pureté primitive), d’ignorance (la répudiation de la dette) et de populisme (tous pourris !). Mais on ne peut manquer d’être frappé par la puissance de l’aspiration démocratique, d’Athènes à Madrid, et de Benghazi à Damas. Nous vivons un moment d’histoire frémissante.

 Photo The Guardian : manifestant d’aujourdhui et d’hier à Athènes.

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