Arte TV a récemment diffusé « Les héritières », téléfilm de Nolwenn qui raconte l’insertion dans un lycée d’élite parisien d’une brillante élève issue d’un collège du « 9.3 ».
Sanou (Tracy Gotoas) intègre le lycée Henri IV à Paris. Madame Lebel (Déborah François) la conseillère principale d’éducation de son collège à La Plaine Saint-Denis, l’a orientée dans le cadre d’un dispositif d’égalité des chances. Elle est la seule élève noire de sa classe, la seule à habiter en Seine Saint-Denis.
La première difficulté à laquelle elle se heurte est d’ordre pratique : les transports sont épuisants, et à la maison il n’est pas facile de se concentrer au milieu de quatre frères et sœurs dont on partage la chambre. Madame Lebel lui propose de devenir la tutrice de Khady ‘Fanta Kebe), une élève de troisième prometteuse qui, elle aussi, a le potentiel pour intégrer un lycée d’élite. En contrepartie, elle recevra une bourse et disposera d’une chambre d’étudiant à Paris.
Pour les condisciples de Sanou, les 30€ demandés pour les activités culturelles sont une bagatelle. Elle, tout simplement, elle ne les possède pas.
La difficulté majeure est d’ordre culturel. Le père de Sanou, Souleymane, accepte à contrecœur que sa fille ne vive plus dans la famille mais il exige qu’elle continue à accompagner son petit-frère au football le samedi. Un jour que Sanou prépare un exposé avec une condisciple, ses sœurs et une tante débarquent à l’improviste. Elle refuse de les accueillir. Dans la culture de sa famille, c’est un affront.
Sanou est tiraillée entre deux mondes. Sa force réside dans le fait qu’elle a un projet professionnel : devenir ingénieure dans l’éolien. Lorsque son père la met en demeure de choisir entre sa famille et son avenir (« si tu franchis cette porte, tu ne reviendras plus ici »), elle fait le pas. Elle souffre mais résiste et va de l’avant.
Le titre « les héritières » est une allusion ironique à l’ouvrage de Pierre Bourdieu, « les héritiers », qui montrait comment le système éducatif assure la reproduction de la classe dirigeante. On peut reprocher au film de Nolwenn Lemesle d’être simplificateur : rien n’est montré par exemple des émois de Sanou pour des garçons de sa classe. Mais plus de complexité aurait requis davantage de temps, celui d’une série.
Les actrices sont formidables, Tracy Gotoas (Sanou) dans sa tentative obstinée de faire coexister des mondes antagonique, Fanta Kebe (Fadhy) déchirée entre la possibilité d’une promotion sociale et son attachement à son quartier et à la pratique de la breakdance, Déborah François (Mme Lebel) passionnée par son métier et sa mission de donner une chance à des jeunes que la naissance a fait naître du mauvais côté de la société.