Les mains du silence

La Chaîne Parlementaire, LCP, a récemment diffusé dans sa série Rembob’INA, un documentaire réalisé en 1977 par Simone Vannier : « les mains du silence, histoire sourde et langue des signes ». Il était suivi par un débat animé par Patrick Cohen avec Emmanuelle Laborit, actrice, écrivaine et directrice de l’International Visual Theatre.

En 1977, la pédagogie envers les enfants sourds consistait à leur apprendre à lire sur les lèvres et à vocaliser. Depuis le congrès de Milan de l’association internationale des sourds et malentendants de 1880, le langage des signes était prohibé en France.

Emmanuelle Laborit raconte qu’à l’âge de sept ans, ses parents l’emmenèrent aux États-Unis et que ce fut pour elle une révélation et une libération : voir des sourds s’exprimer par gestes, dans leur langue à eux, lui ouvrait un territoire immense, tout à conquérir.

Joachim Jouannic

Un personnage important du film est le frère Joachim Jouannic (1908 – 1999), l’un des premiers à enseigner en France la langue des signes. Il s’exprime vocalement, et explique qu’un sourd n’a aucun moyen pour contrôler le volume et la tonalité du son émis par ses cordes vocales. De fait, ce qu’il prononce est parfaitement intelligible, mais désagréable à entendre.

En revanche, chacune des deux parties du documentaire se conclut par une sorte de chorégraphie des mains. Dans la première, un comédien placé dans un tunnel de verre du Centre Georges Pompidou fait un éloge de la langue des signes ; dans la seconde, un couple de comédiens de l’International Visual Theatre interprète un bouleversant hymne à l’amour.

On voit aussi un groupe de sourds tenir une longue corde et la faire vibrer dans leurs mains comme un instrument de la musique qu’ils n’entendent pas. La partition qu’ils composent ainsi collectivement est mise sur papier, puis interprétée sur un synthétiseur.

La langue des signes n’est pas une « traduction » du français. Elle délivre des concepts, et non la transcription de sons. C’est pourquoi on peut parler d’une culture des sourds et malentendants s’exprimant par les signes. C’est la richesse de cette culture qu’exprime Emmanuelle Laborit, lorsqu’elle reçoit le 5 avril 1993 le Molière de la révélation théâtrale et qu’elle invite le public à signer avec elle le mot « aimer ».

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *