Arte TV a récemment diffusé « les valseuses », un autre film culte de Bertrand Blier qui avait fait scandale à sa sortie en 1974.
Jean-Claude (Gérard Depardieu) et Pierrot (Patrick Dewaere) sont deux jeunes truands sans scrupules. Lorsque Pierrot est blessé par balle aux « valseuses » (testicules), Jean-Claude fait irruption avec lui de nuit dans le cabinet d’un médecin, pistolet au poing, l’oblige à soigner son pote et n’hésite pas à le menacer, s’il ne remettait pas son portefeuille, « d’aller border les gosses dans leur lit, car ils pourraient attraper une angine ».
« Les valseuses » raconte leur cavale avec une triple obsession : trouver des femmes qu’ils pourront baiser ensemble, « emprunter » les véhicules leur permettant de fuir la police et voler suffisamment d’argent pour vivre à leur fantaisie. L’obsession sexuelle est première, comme l’indique le titre du film. Dans leurs péripéties, Jean-Claude et Pierrot trouvent une femme, shampooineuse de son état, Marie-Ange (Miou-Miou). Elle est consentante : malgré les gifles et le mépris, elle veut bien faire l’amour à trois. Le problème, c’est qu’elle est frigide comme une bûche. Or, c’est une femme brûlante, affamée de sexe dont ont besoin nos anti-héros.
Jean-Claude a une idée : exploiter un gisement de femmes frustrées, affamées, désemparées. Ils se mettent en embuscade à la porte d’une prison pour femmes. Or justement voici que sort une détenue tout juste libérée (Jeanne Moreau). On la suit dans la rue, on lui promet de s’occuper d’elle. « J’en ai marre qu’on s’occupe de moi », rétorque-t-elle. Elle finit pourtant par se laisser convaincre. On lui achète des vêtements, on l’invite au restaurant. Elle demande aux deux jeunes hommes s’ils veulent faire l’amour avec une vieille. La nuit est plus brûlante encore qu’ils ne l’auraient imaginé. Mais au petit matin, la belle subtilise leur révolver et se tire une balle dans le vagin. Pendant sa détention, ses règles s’étaient taries. Le saignement était devenu son obsession. En se suicidant, elle renoue avec lui.
Ce qui rend ce film unique, c’est que le spectateur ne peut s’empêcher d’éprouver de la sympathie pour un binôme d’authentiques salauds. Ce sont des voleurs, des violeurs, des assassins. Ils ne suivent que leurs impulsions et les règles morales les plus élémentaires leur sont inconnues. Pourquoi ne peut-on s’empêcher de les aimer ? Cela tient à leur caractère presque enfantin : il n’y a rien de vicieux chez eux, aucun calcul, aucune manipulation. Simplement, à chaque instant ils font ce que le désir leur inspire, déployant pour cela des trésors d’imagination.
Le spectateur prend aussi leur parti parce qu’ils vivent en marge d’une société détestable qui place au sommet de ses valeurs la possession de biens matériels, dont le symbole dans le film est la DS Citroën. Jean-Claude et Pierrot sont aussi à l’aise dans un palace que dans une misérable bicoque de gardien d’écluse au bord d’un canal. Leur marginalité insolente et leur focalisation exclusive sur le sexe constituent un défi brutal à un monde qui marche sur la tête.