Dans « Les vestiges du jour » (Remains of the day, 1993), James Ivory met en scène le majordome d’un manoir de l’Oxfordshire, témoin rigide des bouleversements provoqués par la seconde guerre mondiale.
En 1936, James Stevens (Anthony Hopkins) est depuis 10 ans « butler » (majordome) au service de Lord Darlington (James Fox). Il commande à des dizaines de cuisiniers, serveurs, femmes de chambre. Il a une haute idée du service : celui-ci doit être impeccable, la distance entre les verres à vin et le bord de table millimétrée.
L’excellence dans le service est d’autant plus requise que le château de Darlington accueille des réunions de la plus haute importance. Lord Darlington est un ardent partisan d’une entente entre la Grande-Bretagne et l’Allemagne nazie. Il organise en particulier une conférence internationale célébrant le désir de paix du Führer ; le représentant français (Michael Lonsdale) est d’autant moins combatif que son mal de pieds occupe l’essentiel de sa conscience ; le délégué américain, Jack Lewis (Chrisopher Reeds) est le seul à résister.
James Stevens présente à Lord Darlington deux recrues : un majordome adjoint, en la personne de son père ; et une intendante, Sally Kenton (Emma Thompson). L’un et l’autre mettent à rude épreuve son inoxydable impassibilité. Son père s’avère inapte au travail, incapable d’accepter des ordres de son fils, après une vie passée à en donner. Mrs Kenton est une femme énergique, aussi attachée que Stevens à la qualité de service, mais aussi frustrée de la carapace d’insensibilité dont celui-ci s’est armé.
Dix ans après la guerre, Lord Darlington s’enfonce dans la déchéance et son château est vendu. Le nouveau propriétaire n’est autre que Jack Lewis, le délégué américain à la conférence pronazie de 1936. James Stevens cherche à reprendre contact avec Sally Kenton, qui s’est mariée et s’est établie dans l’ouest de l’Angleterre. Il repense à sa vie, aux vestiges du jour. Pourquoi n’a-t-il pas cherché l’amour d’une femme ? Pourquoi est-il resté indifférent, et donc complice, aux positions de Darlington ? Pourquoi a-t-il accepté de licencier sur l’ordre du Lord deux réfugiées allemandes juives ? Pourquoi n’a-t-il jamais osé dire à Mrs Kenton qu’il avait besoin d’elle ?
« Les vestiges du jour » est un film sur le « lâcher-prise ». Saisi par une attaque cardiaque, le père de Stevens s’accroche au chariot qu’il transporte : doigt après doigt, son fils desserre l’étreinte. Curieuse de savoir ce que lit le majordome, Sally le force à lui montrer le livre qu’il accroche de toutes ses forces : elle vainc sa résistance doigt après doigt.
« Les vestiges du jour » est un beau film qui plonge le spectateur dans une ambiance typiquement britannique et lui fait partager une méditation sur le temps qui passe.