Les vies secrètes de Vladimir

Dans « les vies secrètes de Vladimir » (Istya 2023), le romancier Yoann Iacono raconte le destin aux multiples facettes du poète russe Vladimir Maïakovski (1893 – 1930).

 Né dans un village en Géorgie d’un père garde forestier, il partit avec sa mère en 1906, à Moscou après le décès accidentel de son père, victime de la gangrène. Passionné de poésie, fasciné par l’ébullition sociale en Russie et ouvertement socialiste, il fut emprisonné à l’âge de quinze ans dans la prison des Boutyrki.

 Pour tromper son ennui, il se lança dans une frénésie de lectures. « Grâce à ses découvertes littéraires, il racontait, exalté, que pour la première fois de sa vie, il avait eu l’impression de devenir un homme nouveau, magnifique et libre. « Voilà ce qui m’a empêché de me cogner la tête contre les murs tout ce temps, ne cessait-il de dire, citant fréquemment Dostoïevski ou Alexandre Pouchkine. Leurs mots font trembler l’air au-dessus de la page comme sur une route fondue au soleil d’été. »

Vladimir Maïakovski

Le jeune poète participe alors à la création du mouvement futuriste. « Nous déclarons que la splendeur du monde s’est enrichie d’une beauté nouvelle : la vitesse (…) Nous voulons exalter l’insomnie fiévreuse, le pas gymnastique, le saut périlleux, la gifle au goût du public. Quand chanterons-nous les ressacs polyphoniques et multicolores des révolutions ? La vibration nocturne des arsenaux sous leurs violentes lunes électriques ; les gares suspendues aux nuages par les ficelles de leurs fumées ; le vol glissant des aéroplanes dont l’hélice a des claquements de drapeau et des applaudissements de foule enthousiaste. Nos cœurs se nourrissent de feu et de vitesse, de l’agitation des machines modernes. »

 Après la révolution d’Octobre, Lénine, dont les goûts artistiques sont classiques, publie un décret proclamant le futurisme absurde et pervers. Maïakovski, avide de reconnaissance, accepte de rentrer dans le rang. Il deviendra pour les Bolcheviques un étendard, ce qui lui permettra de voyager à Berlin, Paris et New-York jusqu’à ce que Staline le confine à la Russie.

 Maïakovski se suicide à l’âge de 37 ans. Elsa Triolet, qui a été son amante en Russie avant qu’il tombe amoureux de sa sœur Lili (Lili Brik), raconte qu’un jour, en sa présence, il joua à la roulette russe, braquant un pistolet chargé d’une balle contre son cœur. Tout jeune, il avait déclaré à l’infirmier psychiatre de la prison des Boutyrki qu’il ne craignait pas la mort, qu’elle l’attirait même.

Lili Brick

Yoann Iacono nous fait percevoir une personnalité exceptionnelle. Vladimir était un géant de deux mètres. Il adorait porter des vêtements coûteux et originaux. Il était accroc au poker, avec un rapport compliqué à l’argent, désiré aussi ardemment qu’il était dépensé sans compter. Il était obnubilé par la propreté et avait une peur phobique des infections. C’était surtout un amant fougueux et passionné, d’abord de son amour de toute une vie, Lili, mais aussi de femmes rencontrées au cours de ces voyages. Le narrateur du roman est fils d’une Parisienne et du poète russe, qui ne l’a jamais reconnu, pas plus que deux filles nées en Russie et aux États-Unis.

 Le roman de Yoann Iacono se fonde sur un impressionnant travail de recherche documentaire. Il nous livre un portrait attachant d’un homme aux multiples visages, mort d’avoir trop aimé et aussi d’avoir laissé étouffer son énergie créatrice par un régime qui avait su acheter sa docilité.

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