L’histoire de Souleymane

« L’histoire de Souleymane », film de Boris Lojkine, a obtenu le prix du jury et le prix du meilleur acteur dans la catégorie « un certain regard » au Festival de Cannes 2024. Il obtient 8 nominations aux César 2025.

Souleymane (Abou Sangaré) est livreur à bicyclette. Comme beaucoup de travailleurs sans papiers, il travaille sous couvert du compte d’un immigré titulaire d’un permis de travail. La caméra le suit pédalant à perdre haleine dans les rues de Paris, de course en course, frôlant souvent l’accident. Parfois les clients sont gentils, il arrive que les restaurateurs lui offrent un bonbon. Quand il faut attendre de longues minutes que la commande soit prête, le conflit avec le patron du restaurant est violent.

Le soir, il faut réserver une place au 115 et ne pas rater l’autobus du service social. Il faudrait que Souleymane puisse se reposer tranquillement parce que dans deux jours, il passe un entretien décisif à l’OPFRA, l’organisme qui gère les demandes d’asile.

Mais les déboires d’accumulent : le vélo abîmé dans un accident, le compte fermé pour suspicion de fraude, le refus du titulaire de lui remettre la somme due. Barry (Alpha Oumar Sow), le coach qui lui fait répéter l’histoire inventée d’un militant politique persécuté par le régime de Conakry, exige le paiement de ses honoraires. Et surtout, la fille qu’il aime l’appelle du pays pour lui annoncer qu’un homme, un ingénieur, lui demande de l’épouser.

Les 48 heures qui séparent Souleymane du rendez-vous qui décidera de son droit ou non de rester en France sont filmées comme un thriller. Et tout à coup, le spectateur se trouve plongé dans le silence d’un bureau de l’OPFRA. L’employée (Nina Meurisse) qui reçoit le jeune homme est bienveillante. Elle l’écoute avec patience, puis finit par lui dire « ce récit, je l’ai entendu plusieurs fois cette semaine. Dites-moi qui vous êtes vraiment. » Commence alors le récit déchirant d’un adolescent qui, pour venir en aide à sa maman psychologiquement malade et abandonnée, traverse le désert algérien, est torturé en Libye, parvient à se frayer un passage par l’Italie jusqu’à Paris.

Le scénario du film a été écrit d’après la véridique histoire d’Abou Sangaré, qui travaillait illégalement dans un garage d’Amiens et avait vu sa demande d’asile rejetée trois fois avant d’être retenu dans un casting. La plongée dans le monde des immigrants sans papiers, singulièrement de ceux qui sillonnent les rues de nos villes, constitue un contrepoison bienvenu aux discours répressifs qui tendent à devenir la norme en France, en Europe et aux États-Unis.

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