« L’homme qu’on aimait trop », le dernier film d’André Téchiné, évoque les relations troubles de l’avocat niçois Maurice Agnelet et deux femmes : Renée Le Roux, propriétaire du casino le Palais de la Méditerranée, et sa fille Agnès.
Maurice Agnelet, 71 ans, a été condamné en avril 2014 à 20 ans de réclusion pour le meurtre d’Agnès Le Roux, disparue à la Toussaint 1977. Il avait été acquitté de ce crime en 1985 puis 1986, condamné en 2007, libéré en 2013 après une décision de la Cour de Européenne des Droits de l’Homme. Il s’est pourvu en Cassation.
Le film d’André Téchiné est centré sur le triangle formé par Renée Le Roux (Catherine Deneuve), Agnès Le Roux (Adèle Haenel) et Maurice Agnelet (Guillaume Canet). Maurice est l’avocat de Renée et l’aide à prendre le pouvoir réel dans le casino. Mais il n’obtient pas la place de directeur général qu’il convoite. Amant d’Agnès, il change de camp et négocie avec le mafieux Fratoni (Jean Corso) un arrangement selon lequel Agnès votera contre sa mère au Conseil d’Administration et recevra un pactole. Maurice obtient procuration sur le compte d’Agnès : lorsque celle-ci aura disparu, le pactole lui reviendra.
Agnès, sous un aspect languide et désabusé, a une personnalité volcanique. C’est une athlète, nageant en mer quel que soit le temps. Lorsque devant Maurice elle danse sur des percussions africaines, c’est une explosion de vitalité. Mais elle est prisonnière d’idées fixes. L’une d’elles est qu’elle a droit à l’héritage de son père et que sa mère l’en spolie. L’autre est qu’elle dispose d’une exclusivité sur Maurice, devenu son amant à la suite de la ruine de son mariage. Mais Maurice est marié, a un fils, une amante officielle et d’autres sans doute. Agnès est prête à trahir, mais elle ne supporte pas d’être trahie.
Maurice est celui qui peut lui apporter le bonheur : l’argent auquel elle a droit, l’amour exclusif auquel elle prétend. Mais Maurice entend bien profiter de l’argent et n’entend nullement faire d’Agnès sa femme. Dès lors le drame se noue. Agnès sombre dans la folie, tente de se suicider, et puis part un week-end de Toussaint, probablement avec Maurice, pour ne pas en revenir.
Les interprètes de ce film sont magnifiques : Adèle Haenel dans le personnage d’une femme se cognant rageusement aux portes d’une prison qu’elle s’est elle-même fabriquée ; Catherine Deneuve, digne, distante, souffrant de la trahison de sa fille, tentant en vain de s’en rapprocher ; Guillaume Canet, avocat rusé mais néanmoins failli, amant séduisant mais manipulateur et impitoyable.
Il y a de grands moments de cinéma dans ce film : la scène déjà mentionnée où Agnès danse à la limite de l’hystérie ; celle où Maurice exige d’Agnès qu’elle demande pardon pour venir l’espionner à la porte de l’école, puis lui impose « un vrai sourire ». Certains critiques ont regretté la partie du film consacrée au procès d’Assises, trente ans après les faits. Mais l’affaire Agnelet est d’abord une affaire judiciaire. Et le trouble qui plane sur les Assises est celui-même que Téchiné a voulu communiquer au spectateur.