Justice16 septembre 20242Libérons 16 376 prisonniers !

Un Garde des Sceaux, ministre de la Justice, devrait être nommé cette semaine. La situation des prisons devrait constituer l’une de ses priorités, avant qu’il soit trop tard.

Au 1er août 2024, il y avait 78 397 personnes détenues en France pour 62 021 places opérationnelles, soit une densité carcérale de 126%, et 152% dans les maisons d’arrêt. Pour revenir à la capacité maximale des prisons, il faudra donc libérer par anticipation 16 376 détenus.

Il y avait au 1er août 5,6% de détenus de plus qu’un an auparavant. Si l’évolution du nombre de personnes incarcérées continue au même rythme, il y aura plus de 92 000 détenus dans trois ans, à la mi 2027.

Les conditions de détention qui découlent de la surpopulation des prisons suscitent compassion et indignation chez une partie des Français. Mais une partie de nos concitoyens croit encore que les prisons sont des hôtels cinq étoiles, et pensent que les prisonniers – y compris les prévenus, présumés innocents – n’ont que ce qu’ils méritent et doivent souffrir au moins autant qu’ils ont fait souffrir.

L’indignité des conditions de détention est condamnée par le Conseil de l’Europe. C’est une honte pour notre pays. Mais est-ce suffisant pour susciter un changement de politique ? Ce sont d’autres arguments qui peuvent ébranler la conviction des partisans du tout carcéral.

Il y a d’abord la menace que la surpopulation carcérale fait courir à la sécurité publique. Les partisans de plus de prison croient qu’en neutralisant les délinquants en les enfermant, on réduit la délinquance. Mais en les entassant dans des prisons surpeuplées, avec peu d’opportunités de travail, d’enseignement, de formation, de soins, d’accès aux dispositifs de préparation à la sortie, on en fait des gens aigris, frustrés, avec au cœur la haine de la société. On leur donne aussi accès à une « école du crime », où l’on intègre des réseaux et où l’on apprend comment commettre des délits sans se faire prendre. Une véritable bombe à retardement.

La politique suivie actuellement consiste à construire de nouvelles prisons. Mais le coût de cette politique est pharaonique : 360 000€ pour la construction d’une nouvelle place de prison, et 40 000€ par an pour l’emprisonnement d’un détenu, beaucoup plus que le SMIC augmenté des charges sociales. Par ailleurs, on ne parvient jamais à construire autant de nouvelles prisons qu’on le prévoit : beaucoup d’élus, dont certains sont enthousiastes pour l’incarcération de masse, n’en veulent pas sur leur territoire.

Il faut donc changer totalement de politique pénale. Il faudra revoir l’échelle des peines. Il  sera nécessaire de réaffecter une partie des moyens actuellement dédiés au programme immobilier carcéral vers l’accompagnement de délinquants hors les murs, réservant la prison aux personnes qui représentent un danger pour la société.

À court terme, il faut faire baisser la pression et libérer par anticipation des prisonniers. Cela s’est déjà fait en France. En mars-avril 2020, pour répondre à la crise du Covid, des libérations anticipées ont contribué à faire baisser la population carcérale de 9 908 détenus en 5 semaines. Il n’en est pas résulté une augmentation de la délinquance.

En Angleterre, jusqu’à 5 500 prisonniers devraient faire l’objet d’une libération anticipée d’ici la fin octobre, afin d’éviter que soit dépassé le seuil de 100% de capacité.

Aux Pays-Bas, le nombre de prisonniers a diminué de plus de 50% en vingt ans. En parallèle, la petite et moyenne délinquance a baissé, preuve que l’amélioration de la sécurité des citoyens ne passe pas par une répression accrue.

 Libérons par anticipation des prisonniers en nombre suffisant pour revenir, nous aussi, à une capacité de 100% qui permettra d’accompagner efficacement les personnes incarcérées sur les chemins de la désistance.

Libérons 16 376 prisonniers !

2 comments

  • Chantal

    17 septembre 2024 at 13h40

    Xavier écrit au futur présent et ne concède pas d’autres choix aux politiques, ce que je valide complètement. Si seulement en France on pouvait retrouver de la raison, de l’humain et une certaine cohérence.
    Des normes dites européennes sont signées par la France et ce pays les bafoue sans problème.

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  • Jean-Laurent Bracq

    16 septembre 2024 at 8h02

    Je te trouve bien optimiste mon cher Xavier. Le gouvernement qui prendra cette décision sera voué aux gémonies bien que cela changerait complètement notre optique sur la prison. Il y a tellement de haine chez nos compatriotes qu’ils ont bien du mal à comprendre ta démonstration. Même la régulation carcérale ne trouve pas d’écho à leurs yeux.

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