Dans « Immortelle randonnée, Compostelle malgré moi », Jean-Christophe Rufin raconte son pèlerinage, qu’il considère comme plus bouddhiste que chrétien.
L’auteur considère son expérience de pèlerin comme « une initiation qui pénètre dans l’esprit par le corps (…) Pour le dire d’une formule qui n’est plaisante qu’en apparence, en partant pour Saint Jacques, je ne cherchais rien et je l’ai trouvé. »
Il parle du Chemin avec une majuscule, comme une personne spirituelle. « Il est une force. Il s’impose, il vous saisit, vous violente et vous façonne. » Au terme de son itinéraire, le jacquaire a appris à connaître la liberté en perdant tout.
Le livre est bien écrit, souvent truculent. Mais l’expérience qu’il décrit est celle d’un épuisement, de l’élimination progressive de la pensée et du désir à force de fatigue, de maux de pieds, de nuits rendues blanches par les ronfleurs, de crasse et de puanteur. Une expérience plus bouddhiste, en vérité, que chrétienne.
En Cantabrie, à force de marcher de long de nationales jonchées de détritus, « le marcheur prend conscience pour la première fois qu’il est lui-même un déchet. Sa lenteur l’exclut de la vie commune et fait de lui une chose sans importance que l’on éclabousse, que l’on assourdit de klaxon et qu’au besoin on écrase (…) À l’avancée horizontale très lente de la marche s’ajoute cette descente non moins progressive dans l’opinion qu’on a de soi-même – ou plutôt que les autres ont de vous. Car il est assez trivial de dire (mais assez rare de l’éprouver soi-même) que l’extrême humilité est une des voies de l’orgueil. À mesure qu’il se diminue, le pèlerin se sent fort et presque invincible. La toute-puissance n’est jamais loin de la plus complète ascèse. C’est en réfléchissant à cela qu’on approche peu à peu le véritable secret du Chemin (…) »