Canal+ a récemment diffusé « Marie-Line et son juge », film réalisé par Jean-Pierre Améris en 2023, avec Louane Emera et Michel Blanc dans les rôles principaux.
Comme dans « Drive my car », c’est une voiture rouge qui joue les premiers rôles. Ce n’est pas une Saab se détachant dans la circulation japonaise. Il s’agit d’une vieille Twingo brinquebalante roulant vaille que vaille dans les rues du Havre.
La Twingo appartient à Marie-Line (Louane Emera), une jeune femme de 20 ans, serveuse dans un bar, qui affiche sans le savoir, comme le dit le réalisateur, « un look de prolétariat à l’anglosaxonne » : cheveux roses, mini-jupe, tatouages.
Marie-Line est amoureuse d’Alexandre (Victor Belmondo), un passionné de cinéma. Son inculture est patente. Lors d’une dispute, elle renverse Alexandre qui se blesse. Comparution immédiate. Le juge (Michel Blanc) lui épargne la prison, mais lui impose une amende qu’elle est incapable de payer.
Le juge est un petit homme triste, toujours vêtu d’une gabardine beige. Il est privé de sa voiture pendant un mois. Il propose à Marie-Line de jouer, moyennant rémunération, le rôle de chauffeur. Dans la Twingo de Marie-Line se construit une relation improbable.
Marie-Line était à l’école primaire une élève brillante. L’accident qui a coûté à son père sa jambe et son travail, le suicide de sa mère, la dérive de sa sœur l’ont fait décrocher, l’ont privée d’avenir. Elle s’occupe de son père (joué par Philippe Rebbot), devenu entièrement dépendant.
Le juge lui-même est blessé par la vie. Il a perdu sa femme et s’interroge sans cesse sur sa possible culpabilité dans son décès. Il est engagé dans une relation avec Évelyne (Nathalie Richard), mais il est si coincé que cette relation elle-même semble sans avenir.
Jean-Pierre Améris s’exprime ainsi : « Marie-Line, l’héroïne, n’a pas été épargnée par la vie, mais elle a en elle une pulsion de vie très forte, une joie de vivre. J’aime ce genre de personnage féminin qui a des difficultés mais qui bataille. »
Une scène magnifique voit Marie-Line interroger le juge sur l’enfant qu’il a perdu autrefois : « garçon ou fille ? » « Fille », répond le juge. Sourire de Marie-Line, devenue implicitement fille adoptive du vieux juge pour qui son impertinence a rendu un avenir possible.