Le sanctuaire marial de Medjugordjé, en Bosnie Herzégovine, accueille chaque année plus de 2 millions de pèlerins. Le Vatican s’est prononcé en septembre 2024, après des années de débats et d’enquêtes, sur la licéité de ces pèlerinages au regard de la foi catholique.
Une nuit à Medjugordjé était au programme du voyage organisé en Croatie, en Bosnie Herzégovine et au Monténégro auquel nous avons participé en octobre 2024. La raison n’était nullement religieuse, mais hôtelière. Mostar, à 25km, ne dispose pas de capacité suffisante pour accueillir des millions de touristes. Bien équipé en hôtels, Medjugordjé vient donc au secours de Mostar.
L’histoire a commencé le 24 juin 1981. Deux gamines disent avoir vu la Vierge Marie au pied d’une colline voisine du village. Elles sont rejointes dans les jours suivants par quatre autres enfants. La Vierge leur délivre des messages – et continue aujourd’hui à le faire pour certains d’entre eux qui approchent la vieillesse.
Ces messages sont centrés sur la paix et la nécessité de la conversion. La paix est un sujet brûlant dans cette région. Tout près de la colline des apparitions, les Oustachis (milices croates catholiques) ont précipité des centaines de civils et de religieux serbes orthodoxes dans un gouffre. Cinquante ans plus tard, en 1992, dans la vallée de la Neretva, des forces Croates ont détruit le monastère serbe de Zitomislic.
Il est difficile de faire abstraction de la volonté hégémonique des catholiques dans cette région lorsqu’on évoque Medjugordjé. Un autre indice concerne la construction de l’église Saint-Jacques, consacrée en 1969, totalement surdimensionnée alors que le village ne comptait que 500 habitants. Elle est aujourd’hui complétée par une structure en plein air capable d’accueillir 10 000 personnes. Lors de notre visite, une messe se disait en français et l’église était pleine.
Le Vatican a émis en septembre 2024 une note exprimant une position sur le phénomène Medjugordjé. Il ne se prononce pas sur l’origine surnaturelle des « apparitions ». Il valide les messages attribués à la Vierge, mais pas tous. Ceux dans lesquels elle parle de son plan ou de ses projets mériteraient, selon le Vatican, d’être « clarifiés ». En revanche, le Vatican constate que le pèlerinage à Medjugordjé porte des « fruits spirituels positifs » : « Il y a des conversions abondantes» de personnes qui ont découvert ou redécouvert la foi, le retour à la confession et à la communion sacramentelle, de nombreuses vocations, de nombreuses réconciliations entre époux et le renouveau de la vie conjugale et familiale ».
Le Vatican encourage donc les Catholiques à se rendre en pèlerinage à Medjugordjé. Prudence toutefois : « ceci sans préjudice du pouvoir de chaque évêque diocésain de prendre des décisions prudentielles dans le cas où il y aurait des personnes ou des groupes qui, en faisant un mauvais usage de ce phénomène spirituel, agissent d’une manière erronée. »
Des aspects suscitent l’étonnement du touriste profane : les dizaines de cabines, semblables à des cabines de plage, destinées à la confession dans un grand nombre de langues ; une sculpture du christ crucifié dont des pèlerins touchent longuement le genou, encouragés par la récitation du chapelet par des dizaines d’assistants ; enfin, l’apparition d’un curé en soutane et pèlerine, coiffé d’une barrette, tout droit sorti du dix-neuvième siècle.