Mettre fin au réflexe de la prison

Le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) a voté le 13 septembre 2023 à la quasi-unanimité un appel à mettre fin au réflexe de la prison et à repenser un système pénal qui a du sens.

 Le CESE est une assemblée régie par la Constitution. Elle représente les principales activités du pays et conseille les pouvoirs publics en matière économique, sociale et environnementale. Le texte complet de l’avis (114 pages) qu’il a publié le 13 septembre a pour titre « le sens de la peine ». Il constitue une analyse approfondie d’une mécanique hors de contrôle qui aboutit à la surpopulation des prisons et un taux élevé de récidive.

 Citons le communiqué de presse. « À travers ses travaux et auditions, le CESE a pu établir dans cet avis trois constats majeurs :

1. La chaîne pénale reproduit les inégalités et donne peu de chance à la réinsertion.

2. Le budget du ministère de la justice augmente mais l’administration pénitentiaire reste le premier poste de dépenses, au détriment des budgets encore trop faibles consacrés à la prévention de la délinquance, à la réinsertion, aux alternatives à la détention et aux aménagements de peine.

3. La contradiction est forte entre, d’un côté, la place donnée aux alternatives à la détention dans les lois et dans les discours et, de l’autre, la création permanente de nouvelles infractions sanctionnées par des peines de prisons et la centralité persistante de la détention dans les décisions des tribunaux correctionnels.

Fort de ces constats, le CESE appelle dans cet avis à sortir de la surenchère pénale et à mettre fin à la systématisation des peines de prison, en évaluant les effets économiques et sociaux des politiques pénales conduites jusqu’à présent, réorientant, et c’est un préalable, les budgets de la justice vers le fonctionnement des juridictions et mettant de nouveaux moyens à la disposition des conseillers d’insertion et de probation. »

Le Palais d’Iéna, siège du CESE

Le CESE formule 19 recommandations autour de 4 prérequis. Le premier consiste à évaluer les politiques suivies. En particulier, il s’agit de se demander si la création constante d’incriminations nouvelles et l’alourdissement des peines encourues permettent vraiment de réduire la délinquance et la criminalité. Le CESE invite le Parlement à faire réaliser régulièrement, une revue générale des délits et des peines, pour analyser leur utilité et leur réalité, réduire le nombre de délits sanctionnés par de courtes peines de prison et assurer une logique d’ensemble.

 Le second prérequis consiste à agir pour que la peine soit comprise par les personnes condamnées, par la société et par les victimes. Le troisième prérequis est la dignité des conditions d’exécution de la peine. C’est évidemment l’indignité des conditions actuelles d’incarcération en maisons d’arrêt qui est visée. Le CESE appelle à une réduction de la détention provisoire. Il ne propose pas un mécanisme automatique de régulation carcérale (un détenu libérée par anticipation lorsqu’est détenue une nouvelle personne au-delà de la capacité d’accueil de l’établissement). Il recommande d’adopter dans le ressort de chaque tribunal judiciaire et dans le cadre d’un processus coordonné par les cours d’appel, une convention associant les autorités judiciaires, pénitentiaires, d’insertion et de probation prévoyant, à partir d’un certain seuil d’occupation, l’identification de solutions de sortie (recensement des personnes susceptibles de faire l’objet d’une libération anticipée : libération sous contrainte, réductions supplémentaires de peine, conversion du reliquat de peine …).

 Quatrième prérequis : le CESE rappelle que la peine n’a pas de sens quand elle n’est ni individualisée, ni adaptée à la situation de la personne et à son évolution. Il préconise d’assurer à chaque personne placée sous main de justice le droit de construire, avec les services pénitentiaires d’insertion et de probation, un projet solide d’alternative, incluant en particulier l’hébergement, l’accès aux soins et leur continuité, les droits essentiels tels que les papiers d’identité et le compte bancaire, l’inscription dans un projet de formation et/ou d’insertion professionnelle.

Débat au CESE

 

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