Dans « Mia Madre », Nanni Moretti met en scène une femme en proie au doute.
Nanni Moretti eut l’idée de ce film à la mort de sa propre mère. Son caractère autobiographique se manifeste dans le fait que les deux personnages principaux portent les prénoms des acteurs, Margherita (Buy) et Giovanni (Nanni Moretti lui-même). Mais Moretti brouille les pistes : c’est Margherita qui endosse le rôle du metteur en scène, tandis que lui-même joue le rôle d’un homme gentil et blasé qui se retire du monde.
Margherita est en crise. Elle vit sous le stress. Le film dont elle dirige le tournage ne se passe pas bien ; le personnage principal, un chef d’entreprise prédateur interprété par John Turturo, échappe à son contrôle ; elle houspille dans arrêt ses collaborateurs qu’elle traite généreusement d’incapables. Sa fille Livia, adolescente, est en panne scolaire. Elle se sépare de son compagnon Vittorio (Enrico Ianniello), et elle doit bien convenir que les reproches dont il l’accable – autoritarisme, égocentrisme – sont fondés. Et surtout, sa mère Ada (Giulia Lazzarini) est en train de mourir.
Margherita frise le burnout. Face à l’adversité, face à l’inéluctable séparation d’avec sa mère, elle est une pelote de nerfs à vif. Il faut toute la patience de son frère Giovanni pour lui faire doucement, peu à peu, lâcher prise.
Le rêve occupe une part importante dans ce beau film. Margherita se voit un soir remonter la file interminable des spectateurs à l’extérieur d’un cinéma et y croiser des gens qui ont marqué sa vie.
Et l’humour, naturellement, y a sa place. Margherita tourne une scène dans laquelle John Turturo conduit une voiture dont le parebrise est presque entièrement masqué par des caméras ; il est si occupé à tenter de voir la route qu’il en oublie son texte.
Il y a dans les films de Moretti un parfum de scepticisme. Dans « Mia Madre », Giovanni démissionne de son travail et Margherita se sent mauvaise fille, mauvaise mère et mauvaise metteuse en scène. Pourtant, il faut aller de l’avant. Tout, l’échec comme le deuil finit par se dépasser si l’on a l’obstination de mettre un pas devant l’autre, et de ne pas se prendre trop au sérieux.