« Moi capitaine », film de Matteo Garrone, propose au spectateur d’accompagner deux jeunes Sénégalais dans leur épopée depuis Dakar jusqu’aux rivages de Sicile et le paradis promis européen.
Seydou (Seydou Sarr) et son cousin Moussa (Moustapha Fall), tous deux âgés de 16 ans, vivent une vie plutôt heureuse dans un quartier de Dakar : des familles nombreuses et aimantes, musique et danse dans la rue, instruction au collège.
Pourtant, ils rêvent d’une autre vie, la vie idéale que, selon les réseaux sociaux, on mène en Europe, au-delà du Sahara et de la Méditerranée. Seydou sera une star, un chanteur fameux et riche. Seydou et Moussa, à l’insu de leurs parents, travaillent au noir pour payer le voyage jusqu’en Italie.
Sourds aux avertissements sur les dangers mortels qui les attendent, ils prennent la route. Le début du voyage, en autocar jusqu’au Niger, est joyeux. Le passage des frontières est difficile : un bakchich ou la prison…
La traversée de déserts rocailleux entassés dans la plateforme d’un pick-up lancé à toute allure dans les trous et les bosses réserve une première surprise. Ceux qui tombent du véhicule sont abandonnés, certainement condamnés à mourir de soif et de faim. « Ils n’avaient qu’à se tenir plus solidement ».
C’est ensuite la traversée à pied d’immensités de dunes, avec la même règle. Ceux qui ne peuvent pas suivre sont abandonnés à leur sort.
Dans le désert libyen, les migrants sont capturés par une mafia, enfermés dans prison où, sous la menace de la torture, l’on exige d’eux qu’ils contactent leurs proches pour qu’ils paient une rançon. Moussa et Seydou sont maintenant séparés. Seydou bénéficie de la protection de Martin (Issaka Sawadogo), de trente ans son aîné. Tous deux sont vendus comme esclaves et travaillent dans la construction, à la satisfaction de leur maître qui les libère et les mène à Tripoli. Seydou parvient à retrouver Moussa, qui est grièvement blessé : c’est dans un hôpital européen qu’il faut le conduire, d’urgence.
Seydou parvient à trouver un passage, mais à une condition. Il pilotera un vieux chalutier, chargé de 200 hommes, femmes et enfants. « C’est simple, tu vas tout droit en suivant la direction Nord de la boussole ». Seydou, 16 ans, est promu capitaine de navire. « Moi capitaine ».
« Moi capitaine » est un film remarquable à tous points de vue : intensité dramatique de l’histoire, photographie, bande son, jeu des acteurs, en particulier Seydou Sarr, repéré par le réalisateur dans une rue de Dakar.
Deux scènes oniriques permettent au spectateur de s’évader de la réalité oppressante de l’injustice et de la souffrance. Seydou est autorisé, en rêve, à s’approcher de la mère pour lui demander pardon de l’avoir trahie. Dans le désert de sable, une femme incapable de poursuivre la marche et que Seydou ne se résout pas à laisser en arrière, flotte dans les airs, affranchie de la gravité.
Matteo Garrone s’est inspiré d’une histoire réelle. Un jeune sans aucune notion de navigation avait été mis aux commandes d’un navire bourré de migrants. Arrivé en Italie, il avait été emprisonné comme passeur.