Mon crime

Avec « mon crime », François Ozon réalise une comédie ébouriffante sur l’analogie entre la justice et le théâtre, jusqu’à les fusionner.

 On dit souvent que la justice, en particulier son expression la plus dramatique, la Cour d’Assises, est un théâtre dans lequel juge, procureur, avocats, accusé ont un rôle à jouer. C’est ce filon qu’exploite avec succès François Ozon.

 Le film se déroule à Paris dans les années 1930. Madeleine Verdier (Nadia Terezkiewicz) voudrait être actrice, Pauline Mauléon (Rébecca Marder) se rêve en avocate. Elles vont d’échec en échec, survivent ensemble dans une misère noire, les pensées suicidaires ne sont pas loin.

Lorsque Madeleine est suspectée du meurtre de Montferrand, Harvey Weinstein avant la lettre, et que tout semble l’accuser, les deux amies ne voient pas l’ombre de la guillotine ou du bagne. Madeleine revendique l’assassinat comme son crime, son crime à elle. Aux Assises, elle sera défendue par Pauline. Les deux femmes y voient une opportunité. La Cour constitue une formidable estrade d’où elles pourront exhiber leurs talents.

 Elles parviennent à ridiculiser le procureur, à gagner la sympathie du public (surtout des femmes), à séduire les jurés. Madeleine Verdier, plaidant la légitime défense, est acquittée. Elle devient célèbre, riche, réclamée par les imprésarios. Les clients se précipitent pour être défendus par Maître Mauléon.

 La situation se complique lorsqu’une ancienne gloire du cinéma muet, Odette Chaumette (Isabelle Huppert), jalouse du succès et de la fortune acquis par Madeleine grâce à « son » crime, menace de revendiquer, elle aussi, le meurtre de Montferrand.

Pour le juge d’instruction Gustave Rabusset (Fabrice Lucchini), « les coupables qui nient, c’est ennuyeux, mais les innocents qui s’accusent, c’est exaspérant ». Puisque Chaumette désire s’accuser d’un crime pour bénéficier à vie du gîte et du couvert carcéral, qu’elle s’accuse d’un des crimes non élucidés !

 On rit beaucoup à regarder ce film où des situations coquasses sont poussées jusqu’à l’absurde. Lorsque l’industriel Bonnard (André Dussolier) finit par consentir, contre une grosse somme d’argent, que son fils épouse la criminelle Verdier, il se demande s’il n’a pas perdu la notion du bien et du mal. « Juste » et « justice » sont d’ailleurs des concepts qui n’ont rien à voir l’un avec l’autre, constate le juge Rabusset.

 Il y a toutefois, dans l’amoralité ambiante, une digue éthique ; l’affirmation du droit des femmes à n’être plus opprimées.

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