Mr Gwyn

Dans Mr Gwyn, roman publié en Italie en 2011, Alessandro Baricco entraîne le lecteur dans l’atelier d’un artiste, non un peintre mais un écrivain.

 Jasper Gwyn, écrivain londonien bénéficiant d’une certaine notoriété, publie dans The Guardian la liste des cinquante deux choses qu’il se jure de ne jamais plus faire. L’une est particulièrement significative : il n’écrira plus de livre.

Alessandro Baricco
Alessandro Baricco

Peu à peu, dans le vide qu’il a laissé s’installer dans sa vie, se dessine un projet : il deviendra copiste, il copiera des personnalités. En visitant une galerie de peinture, son attention est attirée par la photo d’un homme à moustache posant pour le peintre et le portrait exécuté par l’artiste. « Il était évident que quelque chose s’était passé entre la photo et le tableau, quelque chose comme une pérégrination. Jasper Gwyn pensa qu’il avait fallu un paquet de temps, une sorte d’exil, et certainement la dissolution de beaucoup de résistances (…) Il lui vint à l’esprit qu’un patient agir s’était fixé un but, et qu’à la fin ce qu’on avait réussi à obtenir était de ramener chez lui l’homme à la moustache ».

 Dès lors, Gwyn a trouvé sa nouvelle vocation : copier des personnalités en faisant leur portrait en utilisant la technique qu’il connait, l’écriture. Encore faut-il construire le cadre de ce « patient agir ». Il loue un grand atelier à Marylebone, achète des lampes d’une certaine teinte qui s’éteindront l’une après l’autre au bout de trente-deux jours, commande une bande sonore qui accompagnera les séances de pose. Le site mrgwyn.feltrinelli.it donne une idée de l’ambiance de l’atelier de Mr Gwyn.

 Le copiste définit les règles : les candidats seront présélectionnés, ils poseront nus, ils seront présents sept jours sur sept de 16h à 20h pendant toute la durée du portrait, même si l’artiste n’est pas présent lui-même. Le prix du portrait, plusieurs milliers de livres sterling, est fixé d’avance.

 Le lecteur de Baricco fait une expérience semblable à celle des clients du copiste. Il se laisse peu à peu envoûté par l’ambiance si particulière de ce roman, la musique de la langue, le lent déroulement de la pérégrination, la rencontre avec les personnages.

 Trois personnages se détachent. Une vieille dame au parapluie, puis son fantôme, viennent encourager Jasper dans son œuvre folle, l’encouragent dans son innovation. Rebecca, une jeune femme un peu grasse au beau visage, joue le jeu du cobaye pour le premier portrait, sert d’assistante à Jasper et regrette que leur relation n’ait pas été plus charnelle. Tom, l’agent littéraire de Jasper et son seul ami, obtient qu’il lui fasse son portrait, non en trente-deux jours dans son atelier mais en deux jours et deux nuits sur le lit d’hôpital où il risque sa vie.

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