Le film du réalisateur chilien Raúl Ruiz décédé il y a quelques mois, Les Mystères de Lisbonne, est une méditation sur le labyrinthe du temps. Le spectateur est invité à s’abstraire du stress environnant et à se perdre longuement dans ce labyrinthe : réalisé pour la télévision en six épisodes de 6 heures, la version cinématographique dure près de quatre heures et demie.
Le film est adapté d’un roman de Camilo Castelo Branco (1826 – 1890) par Carlos Saboga. Qui est le père de ce petit João sans patronyme qu’une mystérieuse comtesse vient visiter dans son pensionnat alors qu’il lutte contre la mort ? Quelle est l’histoire du Père Dinis (Adriano Luz), le protecteur du petit garçon et dépositaire du secret de sa naissance ? Comment est-il lié à l’homme qui se fait appeler Alberto de Magalhães (Ricardo Pereira), qui a fait fortune dans le trafic d’esclaves avec le Brésil et dont une aristocrate française prétend se venger ? Quel lourd secret va confesser au père Dinis ce moine âgé proche de la mort ?
Dans le film de Ruiz, les conventions sociales de l’aristocratie portugaise craquent sous la pression du désir sexuel. Les enfants bâtards sont cachés sous une chape de silence. Les souffrances et les humiliations nourrissent des désirs de vengeance inexpiable. Le temps passe, glisse inexorablement et semble se développer en spirale avec sans cesse la même histoire d’amour contrarié, de paternité inassumée, de souffrance et de mort, vécue par des personnages qu’une toile d’araignée relie les uns aux autres, invisible d’abord, puis révélée dans de douloureux aveux.
Dans le labyrinthe du temps, le spectateur est lui-même étourdi, enivré par la beauté de la langue portugaise et d’autres langues qui traversent le film, français, italien, anglais. Plusieurs narrateurs se succèdent pour témoigner de leur histoire qui embrasse trois générations. Le temps passe, rendu présent et fuyant par de longs plans où domine la couleur sépia avec l’esthétique de cartes postales anciennes.
L’enfant João reçoit de sa mère un petit théâtre en carton, qui sert de lien entre les époques du film. Les personnages parlent de manière théâtrale, comme si leurs passions, leurs souffrances et leur destin n’étaient qu’un jeu dans la comédie humaine.
Photo du film « Mystères de Lisbonne », Maria João Bastos (Angela de Lima) et Adriano Luz (Père Dinis).