Le documentaire de Frederick Wiseman sur la National Gallery nous plonge dans un univers totalement dédié à propager l’amour de l’art.
Pendant douze jours, le documentariste vétéran Frederick Wiseman (85 ans) a été autorisé à poser ses caméras au sein de la National Gallery. On y voit des guides expliquer des tableaux à des groupes de visiteurs, des professeurs enseigner le dessin dans une salle où pose un modèle, une animatrice expliquer à des aveugles un tableau de Pissarro en utilisant des papiers en relief, des commissaires d’exposition répondre à des journalistes de télévision, des spécialistes mesurant l’éclairage d’un tableau nouvellement installé. On y voit aussi un comité marketing étudier la proposition de partenariat d’une ONG sportive et un comité financier élaborer le budget du musée dans un contexte de réduction des subventions. Et, naturellement, des visiteurs concentrés, fascinés, émerveillés.
C’est d’un véritable hymne à la peinture qu’offre ce film magnifique au long de presque trois heures. Un concert de piano et l’exhibition d’un couple de danseurs rendent palpable le lien entre les arts visuels et la musique et la chorégraphie. Mais c’est de peinture qu’il est question, plus précisément de la peinture occidentale du moyen-âge au dix-neuvième siècle.
Le maître-mot est l’intention de l’artiste. Qu’a-t-il voulu nous dire par son œuvre ? Dans quel lieu devait-elle être exposée ? Quelle lumière naturelle devait-elle l’éclairer, sous quel angle ? Quelles matières, quels pigments, quels pinceaux le peintre a-t-il utilisé ? Quelles étaient ses références mythologiques, religieuses, poétiques, picturales ?
Cette notion d’intentionnalité est particulièrement palpable en matière de restauration d’œuvres anciennes. Il ne s’agit plus de la remettre à neuf, mais d’exprimer l’intention de l’artiste telle qu’on la perçoit aujourd’hui ; mais conscients que notre interprétation est dépendante de notre culture, tout est fait pour que les restaurations opérées soient réversibles, sans préjuger de ce que les générations futures comprendront de l’œuvre.
Les hommes et les femmes qui travaillent à la National Gallery sont des passionnés. Un jeune guide explique à de jeunes enfants l’histoire de Moïse, et leur montre que si cette histoire ne les intéresse pas, il y a autour d’eux sur les murs du musée des centaines d’autres histoires à faire frémir.
Le documentaire commence comme il avait commencé par des gros plans sur le regard de personnages dont les portraits sont accrochés aux murs du musée. Ils semblent scruter le regard des visiteurs, le regardé occupant le rôle du regardant dans un subtil jeu de reflets. « National Gallery » est un grand film.