Naviguer sur une mer d’incertitudes

Avec la pandémie de Covid-19, nous sommes entrés dans une époque de grandes incertitudes. Le risque est de se trouver tétanisé par l’anxiété. Il nous faut apprendre à naviguer sur une mer d’incertitudes, comme le propose Edgar Morin.

La crise du Coronavirus nous plonge, à l’échelle planétaire, dans une situation sans précédent. L’avenir est devenu imprévisible : quand l’épidémie sera-t-elle maîtrisée ? Ne risque-t-elle pas de revenir ? Comment gérer l’explosion de la dette des États, alors même qu’en France par exemple elle atteint déjà une année de production nationale ? Qu’en est-il de mon emploi, de mon revenu, de ma santé, de l’avenir de mes enfants ?

Dans un article du Journal du CNRS, Edgar Morin explique que la crise nous fait toucher du doigt le fait que la science elle-même ne constitue pas un roc sur lequel bâtir des certitudes. « La science, écrit-il, est une réalité humaine qui, comme la démocratie, repose sur les débats d’idées, bien que ses modes de vérification soient plus rigoureux (…) Les théories scientifiques ne sont pas absolues, comme les dogmes des religions, mais biodégradables… »

Edgar Morin

Il nous rappelle que « nous essayons de nous entourer d’un maximum de certitudes, mais vivre, c’est naviguer dans une mer d’incertitudes, à travers des îlots et des archipels de certitudes sur lesquels on se ravitaille… »

Citée par Patrick Lagadec dans un article publié sur le réseau LinkedIn, la philosophe Myriam Revault d’Allonnes file également la métaphore maritime : « L’absence de terre ferme n’est pas seulement la perte du sol des évidences assurées, c’est aussi ce futur d’autant plus indéterminé qu’aucune expérience du passé ne nous aide à le cerner. Toute la question est de savoir si nous sommes voués à dériver comme le malheureux naufragé qui s’accroche à sa planche ou à son radeau ou bien si nous pouvons transformer cette errance sur la mer de la vie en une autre situation existentielle : celle qui consiste à accepter de naviguer dans l’incertitude et l’inachèvement, d’y construire et d’y réparer les bateaux ».

« Il va nous falloir une force psychique profonde, écrit Patrick Lagadec. La question la plus essentielle sera la capacité à affronter le caractère instable des réponses. La terreur face à ce qui n’est pas encore stabilisé, validé, tamponné, sera l’un des handicaps les plus terribles dans les tâches qui nous attendent. Cela suppose la capacité à tolérer, accueillir, transformer ce qui n’est pas déjà connu, garanti, plein de sens déjà donné.

Nous aurions tous les motifs de baisser les bras. Faisons plutôt ensemble le pari de l’invention. En reprenant peut-être ces lignes de Daniel Boorstin en introduction à sa fresque grandiose sur Les Découvreurs : « Les mots les plus prometteurs jamais écrits sur les cartes de la connaissance humaine sont bien “Terra Incognita – territoire inconnu”. » À nous donc de nous mobiliser dans le registre de la connaissance comme dans celui de l’action, pour relever ce défi d’un nouvel âge des découvertes. »

Patrick Lagadec

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