La disparition subite de l’ancien président Néstor Kirchner à l’âge de soixante ans a suscité une émotion considérable en Argentine.
Le 27 octobre était un jour de recensement en Argentine : activité économique paralysée, déplacements réduits au minimum. La disparition de l’ancien président de la République, époux de la présidente et président du parti au pouvoir a ajouté une dimension dramatique à cette journée déjà exceptionnelle.
Néstor Kirchner portait en lui toutes les contradictions du Parti Justicialiste. Perón, son fondateur, avait trouvé son inspiration auprès du fascisme italien, bien qu’il atténuât son modèle en maintenant le pluripartisme. Les traits caractéristiques du péronisme sont l’autoritarisme (aspiration à un Etat fort gouverné par un chef), le populisme (discours mobilisant les masses et appuyé sur des mesures sociales avancées), le rejet du libéralisme (interventionnisme de l’Etat dans l’économie), le nationalisme (rejet des interférences étrangères ou d’organisations multinationales). Kirchner dirigeait avec brutalité, avec un particulier acharnement à l’égard des journalistes critiques ; il adorait les bains de foule et bloqua les tarifs de services tels que l’eau ou l’électricité, au grand dam des compagnies ; il maniait les taxes d’une manière que les investisseurs étrangers considéraient imprévisible ; il négocia avec les créanciers le remboursement partiel de la colossale dette de l’Argentine mais refusa tout accord avec le FMI et le Club de Paris.
Pour les Argentins, Kirchner est l’homme qui a redonné au pays la stabilité après la crise de 2001 – 2003 qui avait vu se succéder quatre présidents. Il est celui qui a garanti l’indépendance de la Cour Suprême. Il est celui qui a rouvert les procédures contre les auteurs des exactions de la dictature. Il est celui qui a mis l’Argentine sur la voie de la croissance, malgré la crise de 2009 et en dépit d’un mauvais rating sur les marchés internationaux.
Il était une forte personnalité, qui dominait depuis près de dix ans la vie politique du pays de la tête et des épaules. Aimant la confrontation, sa personnalité était naturellement controversée. Mais sa mort laisse un trou béant.
Photo de El País, le cortège funèbre de Néstor Kirchner à Buenos Aires.