Nitram

Dans « Nitram », le réalisateur australien Justin Kurzel tente de comprendre le parcours de Martin Bryant, l’auteur du massacre de Port-Arthur en Tasmanie, en avril 1996 qui fit plus de 50 victimes, tuées ou blessées.

 Nitram est l’orthographe inversée de Martin. Et il est vrai que chez ce jeune trentenaire sans emploi qui vit chez ses parents (Caleb Landry Jones) tout va à l’envers. Ses camarades de classe l’appelaient ainsi par dérision. Aujourd’hui, ils pratiquent le surf et ont une ou plusieurs copines. Nitram en est incapable.

 La mère de Nitram (Judy Davis) est angoissée par ce fils qu’elle ne comprend pas, frustrée parce qu’il ne fait pas sa fierté, inquiète de ses excentricités. Sa passion pour les feux d’artifice et son excitation au volant pourraient lui coûter la vie. Le père de Nitram (Anthony LaPaglia) a un projet : il rachètera une grande maison dont son fils et lui feront un gîte pour touristes. Si ce projet n’aboutit pas, la frustration sera immense.

Nitram propose ses services dans le voisinage pour tondre les pelouses. Il est engagé par Helen (Jessie Davis), une ancienne chanteuse et actrice d’une cinquantaine d’années, qui vit recluse dans une grande maison environnée de chiens et de chats. Peu à peu, Nitram pénètre dans la vie d’Helen jusqu’à vivre avec elle un véritable amour, quoique platonique. Elle le trouve drôle, sensible, attentionné. Nitram se sent aussi reconnu par Helen qu’incompris par sa mère, qui le juge cruel et menaçant.

 On devine la suite : la disparition d’Helen et celle de son père plongent Nitram/Martin dans une rage meurtrière. Il se passionne pour les armes à feu. Le drame devient inévitable.

 Justin Kurzel a conçu son film comme une protestation militante contre la prolifération des armes à feu en Australie. Une très longue scène montre Nitram essayer des carabines et des mitraillettes chez un armurier. Il faudrait en principe un permis de port d’arme, mais pour huit mille dollars le marchand est prêt à ignorer cette formalité.

 La force de ce film réside plutôt, selon moi, dans la description de la folie de Nitram, de son incommunicabilité avec le monde extérieur et avec ses proches. Chez le psychiatre, il n’est question que des médicaments que le garçon doit prendre pour stabiliser son caractère. Lorsqu’il suggère que l’on parle des causes au lieu de traiter les symptômes, Nitram refuse et sa mère estime inutile de se faire aider. Seule la parole, pourtant, aurait pu dénouer les nœuds qui conduisent un homme, par un bel après-midi d’automne austral, à abattre des touristes venus se détendre dans un cadre enchanteur.

 Caleb Landry Jones a obtenu le prix d’interprétation masculine au Festival de Cannes en 2021.

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