Dans mes précédentes chroniques « on verra bien » et « on a bien vu », j’ai évoqué la situation de Kevin, que je visite à la maison d’arrêt où il est détenu.
Les portes, une à une, se referment. Kevin a perdu le statut « d’auxi » qui lui permettait de se déplacer à son étage, de gagner un pécule et de tuer le temps. Le certificat d’hébergement qui appuierait une demande de libération sous contrôle judiciaire n’arrive pas. Son avocate ne donne pas signe de vie. Il ne reçoit pas de « parloir famille ».
Kevin est enfermé, claquemuré dans un espace minuscule. Pour lui qui se réclame des gens du voyage, c’est inconcevable. Il passe l’essentiel du temps couché, à dormir ou somnoler. La télévision est sans cesse allumée ; il la voit mais ne la regarde pas. L’autre jour, il a pété les plombs et pris à partie des surveillants. Il voudrait écrire à la juge pour lui enjoindre, avec ses mots à lui (« se bouger le cul »), de mettre fin à une insupportable situation d’attente : qu’elle m’innocente ou me condamne, mais tout de suite !
Sa souffrance est palpable. Face à moi, il est comme un lion en cage. Il se retourne fréquemment pour voir dans le couloir du parloir famille les détenus qui, eux, ont la chance de recevoir la visite de gens qu’ils aiment. Parfois, ce qu’il murmure est inaudible ; j’hésite à lui faire répéter. Le silence s’installe de longs moments ; j’ai appris à ne pas le rompre, car c’est alors qu’il laisse tomber quelques paroles venues de son ventre.
Je suggère à Kevin de se faire aider, de consulter un psychologue. Le psychologue, c’est pour les fous, me dit-il. Non, dis-je, c’est pour la souffrance…