Chronique réunionnaise (4)

Café pointu de Bourbon

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A Saint Louis, La Maison Rouge est consacrée à la promotion du café endogène de l’Ile de la Réunion, le « café pointu de Bourbon ». Une salle d’exposition y accueille des pièces du musée d’arts décoratifs de l’île.

A Saint Louis, nous visitons la Maison Rouge, un centre consacré à la promotion du café pointu de Bourbon et qui abrite des expositions temporaires du Musée d’Arts Décoratifs de l’Océan Indien (Madoi). Nous visitons la plantation de café, installée en 2003. Le guide nous explique que le café indigène de l’Ile de la Réunion, dit café pointu en raison de la forme de ses grains, constituait la principale culture d’exportation au dix-huitième siècle, avant de disparaître complètement un siècle plus tard à la suite de cyclones et de maladies. Quelques plants ont été découverts par un agronome japonais. La Région a décidé de relancer ce café, et Maison Rouge est à la fois un laboratoire de recherche et une vitrine.  Nous sommes invités a une dégustation : c’est un café fort en goût, un peu amer, qui peut se faire une place dans les cafés haut de gamme. Il y a toutefois un long chemin a parcourir : la récolte sera très faible cette année en raison des pluies. Une menace plus grande encore est commerciale : nous avons acheté dans une grande surface un produit étiqueté « café pointu de Bourbon » qui ne contient que 1.6% de café indigène…

Nous sommes invités à un atelier olfactif. Il s’agit de reconnaître à l’aveugle des parfums de café, citronnelle, jasmin, tabac. Je me rends bien vite compte de la pauvreté de mon vocabulaire olfactif. Ce sens, le plus primordial de tous, est celui que nous développons le moins.

Une salle a été consacrée à une exposition temporaire intitulée « Chroniques Indiennes ». Nous avions déjà visité une exposition du Madoi dans une case créole près du Jardin de l’Etat à Saint Denis, sur le thème « Le Jardin des Lettrés ».  Peu de pièces sont exposées ici mais elles sont bien mises en valeur et commentées. Je suis ému par une statue représentant un ange chrétien, mais dont le corps est sculpté sur le modèle d’une divinité hindoue. Une petite statue de Bon Pasteur de Goa est aussi touchante. A partir d’une fenêtre ajourée du Rajasthan, un programme interactif donne des informations sur l’art de l’arabesque dans le monde musulman, spécialement du temps de la dynastie Moghol.

Chronique réunionnaise (3)

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L’économie du sucre

L’économie de l’Ile de la Réunion est dominée par l’exploitation de la canne à sucre.

La Réunion vit essentiellement de trois sources de revenus : les transferts massifs de la Métropole, qui paie les fonctionnaires, verse des aides sociales et prend à sa charge une grande part des investissements en infrastructures ; le tourisme, qui s’était rétabli après la crise du chikungunya (syndrome de l’homme courbé, provoqué par des piqûres de moustiques) mais souffre maintenant de la récession économique ; le sucre, dont la canne est plantée sur la majeure partie des terres utiles et dont le cours est garanti par l’Union Européenne.

Deux musées sont consacrés à la canne à sucre. A Stella Matutina près de Saint-Leu, une ancienne usine sucrière a été convertie en « muséum agricole et industriel de La Réunion ». Le guide du Routard parle d’une incontestable réussite : « muséographie jouant avec les volumes, les décrochements, les passerelles et les matériaux des machine agricoles et industrielles ». A Bois d’Olive, près de Saint Pierre, l’usine Isautier abrite un musée intitulé « la saga du rhum ».

La visite du muséum (www.stellamatutina.fr) commence par une salle présentant l’histoire de la colonisation de l’île organisée par la Compagnie des Indes, sa spécialisation dans le café  au dix-huitième siècle pour satisfaire l’accroissement exponentiel du marché en Europe puis, après la perte de l’Ile de France (Maurice) devenue anglaise en 1810, dans la canne à sucre. Les plantations de canne ont rapidement couvert les pentes de l’ile et leur exploitation est devenue sa principale richesse. L’industrie de la canne reposait sur deux facteurs de production : le travail des esclaves et l’innovation technologique dans les procès de transformation de la matière première. Par des photos et des vidéos, le musée s’intéresse aux ouvriers du sucre. Un retraité de l’usine de Stella Matutina raconte que son grand père, qui avait officiellement le statut d’engagé volontaire, avait été capturé adolescent dans son village au Mozambique et amené de force à La Réunion. Le musée s’attarde longuement sur « l’engagisme » et les conditions de la libération des esclaves par Sarda Garriga en 1848. Il a conservé les panneaux disciplinaires fixés sur les murs de l’usine à l’attention des ouvriers : « silence », « soyez poli », « des discours inutiles, du temps perdu ». Et cette injonction qui en dit long sur les relations sociales : « si votre temps ne compte pas, le mien compte ».

La « Saga du rhum » (http://www.sagadurhum.fr/) se concentre sur les sous-produits de la canne à sucre, et naturellement le rhum sous ses multiples avatars : arak, rhum agricole, rhum vieux, rhum arrangé, punchs. La visite s’achève par une dégustation de rhums : le punch piment ferait hurler jusqu’au Capitaine Haddock ! Une vitrine explique pourquoi la canne à sucre est aujourd’hui nécessaire au développement durable de l’île : elle fixe les sols et maintient la terre en cas de cyclones ; elle capture du carbone et libère de l’oxygène ; elle offre de nombreux sous-produits, fourrage pour le bétail, combustible pour les centrales hydro-électriques (15% de la production électrique de l’île), bois aggloméré pour l’ameublement et, naturellement, le sucre et le rhum.

Chronique réunionnaise (2)

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Randonner dans les Hauts de l’Ile de la Réunion procure des sensations inoubliables. Loger dans un gîte ou se restaurer à une table d’hôte offrent des occasions de rencontre.

Randonnée au Camp du Tévelave

Nous nous rendons au Camp du Tévelave, un départ de promenades à 800 mètres d’altitude. Nous choisissons une boucle d’environ deux heures, qui donne accès à l’un de ces points de vue spectaculaires si nombreux dans « L’île à grand spectacle », à-pics de centaines de mètres dont les parois verticales sont colonisées par la végétation, canyons abyssaux, contraste de la montagne volcanique noire et du ciel d’un azur profond. Nous ne verrons rien aujourd’hui : un brouillard dense s’est installé sur la forêt de tamarins. Faute de panoramas, nous sommes attentifs aux surprises que nous réserve la randonnée, un diamant d’eau sur une feuille de fougère, le rouge écarlate de fleurs de fuchsia, les «barbes de Saint Antoine » sur les branches de tamarin.

Table d’hôte Chez Lydia

Nous avons réservé à déjeuner chez Lydia Roque, trois kilomètres au dessus du Conservatoire Botanique du Mascarin aux Colimaçons. Elle nous reçoit dans la salle à manger de sa case. Une table est déjà occupée par un évêque de Madagascar et un curé de La Réunion. Cinq couverts nous ont été réservés. Sur notre table trônent cinq bouteilles de punch à base de fruits différents, certains réputés en Europe comme le letchi et le fruit de la passion, d’autres moins connus comme la girembelle. Dans la salle trônent un crucifix, des statues de Notre Dame de Lourdes, de Jean-Paul II et Mère Teresa, une image de Lydia dansant le maloya avec une touriste allemande devenue son amie, des robes qu’elle coud pour des petites filles de Madagascar, quelques toiles d’artistes locaux ou malgaches.

Lydia est tout un personnage. Elle a quatre-vingt trois ans et sa mobilité est réduite par une fracture multiple de la jambe, mais elle fait preuve d’une énergie débordante. Elle interprète a capella des chansons françaises et réunionnaises des années vingt, nous parle de la famille, de son mari maçon et de leurs neuf enfants, de ses vingt années passées comme restauratrice en Normandie, de ses relations avec un village de Madagascar qui fabrique des marmites que les Réunionnais apprécient pour la cuisson de leurs caris. Au menu ce midi : des gratins de chouchou (la chayotte) servis en petites marmites individuelles, un cari de canard et un cari de poisson (viande ou poisson en sauce, riz blanc, haricots blancs, rougail – sauce pimentée) ; en dessert, un « gâteau patate », élaboré à base de patates douces, d’amandes amères et naturellement de rhum. Le fils de Lydia, Gilles, cuisine et devrait prendre sa succession à sa mort. Un autre fils vient la saluer pendant notre déjeuner, en tenue de cycliste et couvert de boue : il vient de participer à la « Megavalanche », une course de VTT en descente abrupte depuis le sommet des montagnes.

Lydia est profondément réunionnaise, par son habitat, dans une case agrandie au fil des années située loin des villes et de la frange côtière ; par son art en cuisine créole ; par sa religiosité ; par les liens vivants qu’elle entretient avec la Métropole et Madagascar où vivent certains de ses enfants ; par sa facilité à prendre l’avion, malgré son âge avancé, pour entretenir et consolider ces liens.

Chronique réunionnaise (1)

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Survol de l’île
Au cours des prochains jours, « transhumances » consacrera plusieurs articles à l’Ile de la Réunion, où je viens de passer quelques jours de vacances.

Au cours de nos randonnées dans les Cirques de l’Ile de La Réunion, j’ai souvent vitupéré les hélicoptères qui troublaient nos rudes et bucoliques promenades. Trente et un ans après ma première visite, je finis par me laisser convaincre.

Les hélicoptères Ecureuil d’Hélilagon emmènent 6 passagers. Le grand tour de l’île inclut les trois Cirques, Mafate, Salazie et Cilaos, le Volcan et le Lagon. Le décollage a lieu non loin du village de l’Eperon, un peu au dessus de la nouvelle route des tamarins. Nous survolons les champs de canne à sucre, puis la région des géraniums et enfin la forêt de tamarins. Soudain, nous nous trouvons avec des centaines de mètres d’à-pic sous l’appareil, et c’est comme si le sol se dérobait. Nous entrons dans le Cirque de Salazie par le col du Cimendef, et nous découvrons de riches terres agricoles consacrées en grande partie à des vergers et à des cultures vivrières comme la lentille et le chouchou (chayotte).

Le pilote nous annonce une « séquence émotion », et nous ne sommes pas déçus : nous survolons le « trou de fer », un ravin vertical circulaire de plusieurs centaines de mètres dont les parois sont habitées de végétation et traversées de cascades. L’appareil fait deux fois le tour du ravin et c’est très vertigineux.

Nous survolons ensuite la forêt de Bélouve et la ravine de Takamaka où il tombe plus de 8 mètres d’eau par an. Nous passons au dessus du plateau de la Plaine des Palmistes, avec ses prairies et ses maisons coquettes. Nous arrivons au Volcan de la Fournaise, un univers totalement minéral ; le volcan n’est pas en activité actuellement, mais la chaleur du cratère dégage de la vapeur d’eau. Par la Plaine des Cafres, nous rejoignons la crête du Dimitille, puis nous trouvons brusquement en aplomb du Cirque de Cilaos, avec l’Ilet de Bras Sec et l’Ilet à Cordes séparés du village par des précipices. Nous sortons du Cirque par les Trois Salazes, avec à notre droite de Piton des Neiges. Nous entrons de nouveau dans le Cirque de Mafate et survolons Marla et La Nouvelle, puis le Maido.

Le tour de l’Ile s’achève par un survol du Lagon et de Saint Gilles. En quarante cinq minutes, nous avons vu une incroyable diversité de paysages, de végétations et de lumières. Quand l’hélicoptère se pose, j’ai le sentiment d’avoir visionné en accéléré le film de dizaines de voyages et de la découverte obstinée des centaines de mondes que recèle cette île qui, dans sa plus grande longueur, ne fait que soixante dix kilomètres.