Transatlantic Sessions

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 La chaine culturelle anglaise BBC 4 présente « Transtlantic Sessions », une émission d’une demi-heure consacrée à la musique folk écossaise, irlandaise et américaine qui suscite l’enthousiasme.

Il est possible d’écouter la dernière « Transatlantic Session » sur http://bbc.co.uk/programmes/b00gtlnv. Le principe est que des musiciens se retrouvent pendant trois jours dans une vieille maison au cœur de l’Ecosse avec une équipe de télévision. Il y a un groupe permanent et des chanteurs ou instrumentistes folk d’Ecosse, d’Irlande ou d’Amérique invités. La salle dans laquelle ils jouent est haute de plafond, mais suffisamment petite pour que musiciens et chanteurs soient tout proches les uns des autres. Une grande variété d’instruments est utilisée du violon à l’accordéon, de la guitare à la cornemuse et du piano à la harpe celtique. Le réalisateur parvient à rendre palpable l’intimité du lieu et la jouissance des musiciens s’émulant les uns les autres dans la recherche de la perfection. C’est un pur délice.

Talons aiguille

   

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 Le roman d’Almudena Solana, « les femmes anglaises abîment les talons quand elles marchent » (las mujeres destrozan los tacones al andar, Suma de Letras, 2007) nous parle de Louise, une jeune femme issue de l’immigration espagnole en Grande Bretagne, à la recherche de son propre destin entre deux cultures.

« Les femmes anglaises abîment les talons en marchant. Moi parmi elles. Toutes nous courons ici et là, mais nous ne renonçons pas à la hauteur ni aux talons aiguille ». Louise est une jeune anglaise  banale dans un métier banal : téléopératrice dans un call-center près de l’aéroport de Heathrow dans la banlieue de Londres.  « Mon monde c’est celui-là, le métro, le travail, les courses, parfois la piscine ou sortir avec les amis du travail. »  Pour aller travailler, elle doit emprunter la ligne bleue du métro du début à la fin. « Je la connais par coeur, ses wagons, ses stations, les affiches, la mégaphonie, et y compris ses habitants, les chaussures de ses habitants. Ces wagons de la ligne bleue sont, en quelque sorte, mon foyer. Je déambule avec eux en avant, je déambule en arrière, je crois que je dois supposer qu’au long de ce zigzag je construis la vie ».

Louise mène une vie solitaire et médiocre. « Ma vie est pleine de contrôle, quelque chose semblable à une vigilance continue ». C’est le cas au travail, c’est le cas aussi dans son existence quotidienne, limitée par un budget serré. Ses amis du call-center sont des minables dont le loisir favori est de piéger la nuit les clients de la station-service où travaille John, l’un d’entre eux. Ils appartiennent au monde de ceux qui jamais ne connaîtront la gloire, gloire qu’ils vivent par procuration en regardant au pub les exploits des joueurs de football.

Pourtant, Louise aime son travail au call-center, qui à ses yeux ne manque pas de poésie. Vu d’en-haut, dit-elle, les télécabines ressembleraient à une grande caisse de minéraux. Cette réflexion lui vaut le surnom de « Pirita », petite pyrite. En apparence, Pirita est semblable aux autres. En réalité, elle est héritière d’une humble mais spirituellement puissante tradition familiale. Son grand-père, Antón, était cordonnier dans un village de Galice… et amateur de minéraux. Son père lui parlait inlassablement de cet homme passionné par son métier et qui dessinait des maquettes de chaussures neuves que la rudesse des temps de guerre civile ne lui avait jamais permis de réaliser.

Le père et la mère de Louise émigrèrent à Londres pour fuir la misère, s’épuisant dans de petits boulots pour assurer un avenir à leur fille. Pendant ses cinq premières années, celle-ci vécut au village en Galice avec ses deux grand-mères. Puis elle rejoignit ses parents à Londres. Maintenant, ceux-ci sont retournés au pays, mais avec un sentiment d’échec que l’alcoolisme du père ne fait qu’amplifier. Louise souffre de l’absence de ceux qu’elle aime et rêve de les réunir.

Dans le métro, Louise dessine des croquis de chaussures, imagine des modèles nouveaux. Quelque chose se passe dans sa vie. Le call-center va être délocalisé au Kenya et va fermer son établissement londonien. Un jour à la piscine, une professeur de natation remplaçante communique au groupe de personnes âgées dont elle a la charge confiance et enthousiasme. Louise se sent des ailes et se lance dans une brasse papillon. Le lendemain elle met ses « chaussures à triompher dans la vie ». Dans les dernières heures du call-center, elle se confie à un industriel de la mode et de la chaussure, qui avait appelé pour demander un renseignement. Séduit par le dynamisme et la créativité de la jeune femme, il lui offre de travailler à ses côtés comme styliste. Louise peut enfin, à Londres, réaliser son rêve de réunir sa famille, les vivants comme les absents.

Le livre d’Almudena Solana m’a profondément touché, non seulement parce qu’il établit un pont entre l’Espagne et Londres, mais aussi par la description qu’il fait de la masse sans nombre des petites gens privés de gloire, l’évocation de la vie apparemment conforme d’une jeune femme que son enracinement familial rend exceptionnellement forte et le récit d’une rédemption improbable comme un conte de fées.

Le livre nous parle de passion pour le travail bien fait, de poésie dans les choses banales et de la force d’un regard d’amour posé sur les autres et sur la vie. Il concentre notre attention sur une partie de nous-mêmes que nous déprécions parfois, nos pieds, et des mille manières de leur faire honneur : mocassins, bottes, sandales, espadrilles et escarpins.

(Photo Chaussures Femmes)

 

Accueil communautaire

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 Dans le quotidien The Guardian du 17 novembre, Tobias Jones raconte comment sa femme et lui ont décidé de créer un refuge communautaire pour des personnes en crise.

Tobias Jones, jeune écrivain free-lance marié à une Italienne et père de deux petites filles, se lance dans une aventure. Avec sa femme, ils viennent d’acheter une ferme et une forêt de 4 hectares dans le Somerset. Ils ont le projet d’y créer un refuge communautaire pour des personnes meurtries par la vie, marginaux, drogués, paumés qui cherchent à se reconstruire après un échec ou une séparation.

Ils ont passé cinq ans à définir leur projet et à visiter des communautés : l’Arche, Emmaüs et, en Angleterre, Pildon, entre autres (http://www.pildon.org.uk/). Il repose sur l’idée que le Sermon sur la Montagne, les Béatitudes, peut vraiment être un manifeste pour la vie. On accuse parfois ces communautés d’être des ghettos, mais c’est l’inverse : ce sont des lieux qui ouvrent grand les portes à ceux qui sont normalement exclus. Ce sont des lieux où il y a une vraie pluralité et une hospitalité radicale, où les non-invités sont bienvenus et ont leur place à table.

Ils ont choisi l’exploitation forestière pour éviter les contraintes de l’élevage : ils veulent pouvoir se réunir avec leur famille italienne. Le bois leur fournira l’énergie de leur chauffage, de matériel pour produire des meubles et des charpentes, et, entre les noix et les baies, une partie de leur alimentation. Ils commenceront petit, ne recevant au départ que deux ou trois « réfugiés ».

Ce que Tobias dit au sujet de ses enfants mérite d’être cité. « Nous faisons cela aussi, assez curieusement, pour nos enfants. Des amis sceptiques sur notre projet sont effarouchés à la pensée que nous faisons un pari si risqué avec de petites filles à charge. Et nous savons que, malgré toutes sortes de sauvegardes, elles seront exposées à la rudesse de la vie. Mais nous n’avons jamais voulu que nos enfants soient élevés du côté privilégié de la société. Nous souhaitons exactement l’inverse. Nous ne voulons pas prétendre que la vie est une douce brise et les isoler de la souffrance. Nous voulons qu’ils la voient tôt et qu’ils apprennent ce que l’on peut faire pour l’atténuer (…) Nous souhaitons qu’ils commencent à apprendre, au fil des années, ce que sont l’addiction, le déracinement, le deuil, la pauvreté ou la prison. Cela nous semble plus important qu’un 20/20 ou un diplôme. »

Le témoignage de Tobias m’émeut, car il relève d’une tradition communautaire séculaire mais très vivante dans l’après soixante-huit et qui représente un défi à l’idéologie des vainqueurs : « nous en sommes venus à croire à la survie des plus faibles, pas simplement des plus adaptés. »

(Photo le Guardian. Lien www.guardian.co.uk/lifeandstyle/nov/17/tobias-jones-woodland-commune)

Humour anglais

En Angleterre, il n’est pas de bon discours sans une dose d’humour. Un récent déjeuner débat rassemblant des dirigeants d’entreprises françaises du secteur financier opérant à Londres, n’a pas dérogé à la règle.

Le président de l’autorité britannique de régulation du système financier est un homme sérieux. Son sujet ne l’était pas moins : « l’entreprise Grande Bretagne : arrêter les frais ou acheter des actions ? », autrement dit Londres restera-t-elle la principale place financière du monde et renouera-t-elle avec la croissance ? Les banques françaises devraient-elles quitter la City, ou au contraire renforcer leur présence ?

L’orateur ne déçut pas : il apporta des informations et prit position. Mais il offrit aussi, en anglais et dans un excellent français, un florilège d’humour anglais :

– Il y a 20% d’Irlandais de moins à Londres mais 200% de Français en plus. Bientôt il faudra aux Anglais un passeport pour entrer à South Kensington (le quartier du lycée et de l’Institut français).

– Je ne fais jamais de prévision; et je n’en ferai jamais!

– Nos télévisions ne se ressemblent pas. Imaginerait-on sur TF1 «Venez danser sévèrement»? (Strictly Come Dancing, concours de danse de salon qui oppose des célébrités,  record d’audience pour la télévision)

– Un journal anglais titrait l’autre jour: «Gordon Brown pousse son fils James, six ans, à la présidence de Canary Wharf».