Quand un grand client fait faillite

 La page « PME » du  Sunday Times du 9 novembre a publié un article de Rachel Bridge intitulé « comment réagir quand un grand client fait faillite ? »

« Les experts en faillites estiment qu’environ 80% des entreprises qui perdent un grand client ne survivent pas. Selon la Federation of Small Businesses, environ 10% des petites entreprises qui font faillite le font parce qu’un client n’a pas été capable de payer ses factures. Cela veut dire que l’an prochain quelque 3.600 PME au Royaume Uni vont faire faillite à cause d’une faute qu’ils n’ont pas commise. Le problème est d’autant plus grave que les petites entreprises n’ont souvent pas accès à l’assurance crédit, ce qui les laisse complètement vulnérables si quelque chose tourne mal. »

La première règle, disent les experts consultés par la journaliste, est de faire un diagnostic clairvoyant sur les possibilités de survie de l’entreprise après la catastrophe que représente la faillite d’un grand client et sur les conditions de cette survie. Elles passent le plus souvent par la négociation de délais de paiement avec des fournisseurs et d’une extension des lignes de crédit par la banque. S’il est indispensable de réduire la taille de la structure, il faut le faire d’un coup. La journaliste cite Keith Hunt, managing partners de Results International : « la règle d’or, coupez profond et coupez sec. Le pire que vous puissiez faire au personnel, c’est de débiter des tranches de salami, supprimant un poste une semaine et un autre la suivante (…) Vous devez communiquer très clairement ce que vous faites ». Il faut aussi ne pas craindre d’investir, comme cette agence de marketing qui, après la perte d’un grand client, se lança dans une opération commerciale pour en conquérir de nouveaux et recruta un directeur de la création poids lourd dans sa profession.

L’article souligne aussi l’importance d’une gestion active du crédit clients. Il faut par exemple facturer d’avance aux clients les sommes correspondant aux investissements que l’on est obligé de faire dans le cadre de contrats passés avec eux, et vérifier régulièrement leur solvabilité.

 

La guerre de Spike

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Le Place Theatre de Watford vient de produire une pièce drôle et émouvante : « Adolf Hitler, mon rôle dans sa chute, de Spike Milligan », en tournée dans une vingtaine de villes du Royaume Uni jusqu’en mai 2010.

Terence Alan Milligan, dit Spike (1918 – 2002) a été désigné par un sondage de la BBC en 1999 comme « la personne la plus drôle des 1000 dernières années. » Musicien de jazz, scénariste de pièces pour la radio, écrivain, il publia sept tomes de ses mémoires de guerre. La pièce montée par Tim Caroll s’inspire de plusieurs d’entre eux : « Adolf Hitler, mon rôle dans sa chute » ; « Monty, son rôle dans ma victoire » et  « Mussolini, son rôle dans ma chute ». Il demanda que sur sa tombe l’on inscrivît : « je vous avais bien dit que j’étais malade ! »

Autant dire qu’il n’y a ni fait d’armes ni héroïsme dans la guerre de Spike. Affecté à un régiment d’artillerie, il est piètre soldat, et de Dunkerque à  Dieppe, puis de l’Afrique du Nord à l’Italie, sa terreur des canons ne fait que croître jusqu’à ce qu’il termine sa guerre en 1944, classé psychonévropathique dans un camp de réhabilitation près de Naples. Sa contribution à la défaite d’Hitler, c’est de ne s’être jamais laissé impressionner par l’idéologie nazie. Avec un groupe de copains, ils forment un orchestre de jazz et pratiquent entre eux un humour déjanté sur lequel la guerre n’a pas de prise.

Jouée par cinq acteurs remarquables, dont un débutant, Sholto Morgan, dans le rôle de Spike, la pièce est menée tambour battant, avec des chansons, des effets scéniques, des moments d’une irrésistible drôlerie, et d’autres nostalgiques ou tragiques comme cette scène où Spike communique par téléphone avec un soldat pendant un bombardement jusqu’à ce que le silence, définitif, s’établisse au bout de la ligne.

Comme le dit la présentation de la pièce, « haute comédie et tragédie entrent en collision à mesure que nous suivons Spike et son quartet de jazz, à la dérive sur la marée des grands événements historiques. Pour utiliser les mots de Milligan lui-même, la pièce fusionne joyeusement la comédie, la chanson et la danse – montrant comment l’humour, la musique et la camaraderie permirent à un groupe d’infortunés jeunes gens de prévaloir contre la puissance de la machine de guerre nazie ».

Le mur et l’aquarium

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Dans un article intitulé « l’Europe de l’Est, vingt ans après » (Le Monde, 9 novembre), Jacques Rupnik écrit : « Une partie des élites et les experts occidentaux doutaient de la possibilité de mener à bien simultanément le passage de la dictature à la démocratie et celui de l’économie étatisée au marché. On savait transformer un aquarium en soupe de poisson, mais on n’avait jamais fait l’inverse. L’avenir de l’Est, disait-on, risquait de ressembler au Sud plutôt qu’à l’Ouest. Pas plus que la vision euphorique de la démocratie européenne réinventée dans les retrouvailles européennes, le scénario catastrophe ne s’est réalisé. »

(Photo El País)

Francisco Ayala, témoin du siècle

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L’écrivain espagnol Francisco Ayala est mort le 3 novembre à l’âge de 103 ans, devenu un symbole de l’Espagne réconciliée.

Francisco de Paula Ayala García-Duarte était né à Grenade, comme Federico García Lorca, son aîné de huit ans. Comme lui, il s’engagea dans la défense de la République contre l’insurrection franquiste. Federico mourut sous les balles d’un peloton d’exécution au début de la  guerre civile. Francisco partit pour un long exil. Doté d’une impressionnante longévité, il participa en 2006 à une conférence internationale pour marquer son propre centenaire. Au-delà des clivages politiques et des plaies de l’histoire, il était devenu emblématique d’une Espagne moderne et pacifiée malgré les sirènes de l’intolérance.

Son livre « A propos de mes pas sur la terre » (De mis pasos en la tierra, Punto de Lectura 1996) raconte son itinéraire. Né en 1906 à Grenade, il étudie à Madrid mais, en avance sur son temps, décide de faire son « Erasmus » à Berlin. Ami du président républicain Azaña, il s’exile en Argentine, à Porto Rico et aux Etats Unis et revient pour la première fois en Espagne en 1960. Il porte sur les gens, les structures et les choses un regard distant et lucide, non exempt parfois de poésie. Voici quelques réflexions que j’ai particulièrement appréciées, parce qu’elles rejoignent mes propres expériences ou ma manière de voir.

Grenade. « Si tous les sens contribuent à percevoir un enchantement si subit – eau qui chante dans les vasques et les fontaines, arômes qui emplissent l’air, douceur et fraîcheur de la pierre – c’est peut-être l’ouïe qui nous livre la part la plus intime et la plus délicate de l’esprit grenadin ».

Venise. « Elle brille, nette, avec la plasticité et le luxe atroce de ses mausolées et ce n’est pas tant qu’elle soit morte elle-même : elle loge, avec une magnificence imposante, la mort en son sein. Dans « mort à Venise », Mann a bien perçu ce qu’il y a de mortel dans la beauté, sa séduction impossible, la chute de l’artiste dans la consolante et anhihilante attraction du parfait ».

Séville. « Pour moi, Séville est et a été depuis le commencement moins une réalité pratique qu’une expérience littéraire, poétique ».

Tourisme. « Un touriste, ce qu’il peut le plus haïr dans le monde, ce sont les touristes. Les touristes empêchent le touriste de profiter confortablement de ses vacances bien gagnées et méritées ».

Ayala ne croit pas qu’il soit possible de caractériser l’âme d’un peuple, ou alors il faut le faire avec modestie et en toute conscience du contexte historique. Il cite José Antonio Maravell : « l’image de l’Espagnol à la fin du seizième siècle se caractérise par des traits de réflexion, calcul, astuce, froideur. Par sa répétition et par la qualité de certains de ces auteurs, nous devons considérer ces représentations comme stéréotype de l’Espagnol à l’époque de la prépondérance politique de l’Espagne. Il est intéressant de noter que ce qui ressemble le plus à ce stéréotype est celui de la « Perfide Albion » au temps de son hégémonie ». Et Ayala ajoute : « ce qui s’y  oppose le plus, c’est l’image de l’Espagnol chérie par le Romantisme : passionnel, sans souci du lendemain, impulsif, spontané, image que les Espagnols eux-mêmes ont assumée en cherchant à s’identifier avec ce modèle ».

Et pour finir, le récit d’une expérience simple et touchante. « Nous fûmes victimes ces jours-là d’une de ces agressions qui, en raison de leur fréquence, ne sont même plus mentionnées par les journaux. Des manieurs de poignards habiles, décidés et impavides nous dépouillèrent en un instant de tout ce que nous portions sur nous, nous laissant stupéfaits et irrités. Nous non plus, n’étions pas à l’abri. Et ainsi, puisque c’était notre tour d’être protagonistes – ou mieux protagonistes passifs – d’un épisode chaque jour  tant de fois répété, mais qui ne nous avait jamais jusque là affecté personnellement, sa réalité se fit effective, provocant en nous un épuisement confus, sans doute disproportionné à sa cause. Bien que triviale, l’expérience avait été pour nous dévastatrice. »

(Photo tirée du quotidien El País)