L’Eglise Catholique intègrera des traditionnalistes Anglicans

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Le Vatican vient d’annoncer son intention d’organiser l’intégration collective d’Anglicans dissidents au sein de l’Eglise Catholique. Au cours d’une conférence de presse, l’Archevêque de Canterbury, Rowan Williams, a estimé qu’il ne s’agit pas d’un acte d’agression. Il a toutefois admis n’avoir pas été consulté par Rome et de n’avoir été informé que tardivement.

A Rome, le Cardinal William Laveda, Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, a annoncé le 20 octobre qu’une constitution apostolique permettant aux Anglicans de se convertir collectivement au Catholicisme était en préparation. Jusqu’à présent, seules des conversions individuelles étaient admises, telle celle, spectaculaire, de Tony Blair. Il s’agit cette fois d’admettre des groupes constitués autour d’évêques et de prêtres, qui seraient autorisés à conserver des éléments de la pratique spirituelle et liturgique anglicane. Les détails de l’offre de Rome ne sont pas connus à ce stade, mais les observateurs pensent que pourrait être constituée une « prélature personnelle » dépendant directement du pape. Comme c’est déjà le cas des Uniates du Proche Orient, une adhésion à la totalité des dogmes de l’Eglise Catholique serait exigée, mais des hommes mariés pourraient être ordonnés prêtres et une liturgie propre serait maintenue.

Simultanément à cette annonce, l’Archevêque Anglican Rowan Williams et l’Archevêque Catholique de Westminster Vincent Nichols tinrent à Londres une conférence de presse commune. Rowan Williams affirma : « ce n’est pas un acte d’agression. Ce n’est pas une déclaration de défiance. C’est business as usual ». Mais la presse commente que les deux hommes étaient visiblement mal à l’aise et que Williams dut admettre qu’il n’avait pas été consulté sur cette décision majeure dont il n’avait été informé que trois semaines auparavant.

C’est donc un changement majeur qui se prépare. Il trouve son origine dans la décision du synode anglican l’an dernier d’autoriser l’ordination de femmes comme évêques. Certains mouvements traditionalistes, comme Forward in Faith (en avant dans la foi), appelé par ses détracteurs Backwards in Bigotry (en arrière dans le bigotisme), ont contacté le Vatican pour négocier leur admission dans l’Eglise Catholique. En 1992 déjà, environ 400 pasteurs anglicans traditionnalistes avaient quitté leur Eglise à la suite de la décision d’ordonner prêtres des femmes.

Il est difficile de prévoir l’ampleur de la scission à venir. On parle de 20 à 50 évêques dissidents, pour la plupart hors du Royaume Uni, et d’un nombre indéfini de prêtres et de fidèles. Dans ce pays, les envies de migration devaient être tempérées par des considérations économiques. Un pasteur anglican gagne 22.250 livres par an et est logé. Un prêtre catholique ne touche que 8.000 livres. Et cette fois, l’Eglise Anglicane n’a pas mis en place de compensation financière pour ses « objecteurs de conscience », à l’inverse de ce qui s’était passé en 1992.

Au sein de l’Eglise Anglicane, tout en dénonçant un coup bas contre l’Unité des Eglises, certains se réjouissent discrètement du départ annoncé d’une aile réactionnaire avec laquelle la coexistence devenait de plus en plus problématique.

Du côté de l’Eglise Catholique, la stratégie est claire. Il s’agit, après la réintégration d’évêques de la Fraternité Saint Pie X, dont un négationniste de l’holocauste, de consolider le bastion pour résister aux grands vents de la modernité. A ceux qui pensaient que pour adhérer à l’Eglise Catholique il fallait croire en la résurrection de Jésus et appliquer le programme des Béatitudes, le Vatican met opportunément les points sur les « i » : la ligne rouge est le statut de la femme. Une femme peut être médecin, travailleuse sociale, médiatrice ou metteuse en scène dans la vie civile. Elle ne sera jamais évêque, ni même prêtre, dans l’ordre ecclésiastique. A chacun d’en tirer les conséquences.  

 

Provocateur Gouverneur

Le Gouverneur de la Banque d’Angleterre, Mervyn King, vient de lancer un brûlot dans le monde financier en réclamant la scission des banques entre une « banque de service », qui bénéficierait d’une garantie de l’Etat, et une « banque spéculative » susceptible de faire faillite.

« L’échelle impressionnante du soutien au secteur bancaire coupe le souffle. Au Royaume-Uni, sous la forme de prêts directs ou garantis et de capital, il n’est pas loin d’un trillion (c’est-à-dire mille milliards) de livres sterling, presque les deux tiers de la production annuelle de toute l’économie. Pour paraphraser un grand leader du temps de guerre, jamais dans le champ l’effort financier autant d’argent n’a été dû par si peu de personnes à un si grand nombre. Et, pourrait-on ajouter, avec si peu de réforme réelle jusqu’à présent ».

Le sommet du G20 n’avait pas non plus mâché ses mots : « là où un comportement agité et un manque de responsabilité a conduit à la crise, nous ne permettrons pas un retour à la manière habituelle de faire de la banque ».  Plusieurs séries de mesures sont en chantier. Il s’agit de construire une base de capital solide et de bonne qualité et de réduire le caractère cyclique de l’activité bancaire. On parle de règlementer les activités de marché de gré à gré. On prétend réformer les pratiques de compensation salariale, en clair les bonus, afin de réduire l’incitation à la prise de risque. On veut imposer aux géants financiers internationaux des normes prudentielles proportionnées au coût de leur possible faillite.

Voici que le Gouverneur Mervyn King joue au provocateur. Dans un discours prononcé à Edimbourg le 20 octobre, il considère que la vraie cause de la crise financière est l’irresponsabilité d’institutions financières gigantesques « trop importantes pour faire faillite ».  « Pourquoi les banques ont-elles voulu prendre des risques qui se sont avérées si nuisibles pour elles-mêmes comme au reste de l’économie ? L’une des raisons clés (…) est que les incitations à gérer le risque et accroître l’effet de levier se sont trouvées faussées par le soutien ou la garantie implicitement donnée par les gouvernements aux créditeurs des banques qui étaient vues comme trop importantes pour faire faillite ».

Le Gouverneur ne croit pas vraiment que la solution consistant à imposer aux banques un capital minimum soit totalement efficace. « Plutôt que de payer des dividendes et de généreuses rémunérations, les banques devraient utiliser leurs gains pour construire de plus grands coussins de capital. Mais plus grands de combien ? Nous ne le savons tout simplement pas. Un ratio plus élevé est plus sûr qu’un ratio plus bas, mais la fixation de n’importe quel ratio est vouée à l’arbitraire. »

Pour Mervyn King, la vraie réponse est de revenir au Glass Steagall Act qui, après la crise de 1929, avait séparé les banques de détail des banques d’affaires. Il faudrait obliger les banques à se scinder entre une banque portant les activités spéculatives et une autre consacrée au service (« utility »), c’est-à-dire dédiée à fournir aux entreprises et aux ménages un moyen de paiement pour les biens et services et à canaliser les flux d’épargne vers les investissements. Les usagers de la banque de service seraient garantis par l’Etat. Les acteurs de la banque spéculative opèreraient à leurs risques et périls ; comme n’importe quelle entreprise, leurs erreurs stratégiques seraient punies par la faillite.

Mervyn King prétend énoncer des vérités de bon sens. Il ne semble pas, pour le moment, que banquiers et politiques l’entendent de cette oreille !

 

Comprendre les Anglais

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Voici deux ans que je vis en Angleterre. Le livre de Jeremy Paxman, « The English » (Penguin Books 2008) m’a aidé à pénétrer les codes d’une société très proche mais aussi très différente de la France.

Sous le titre « Anglais et pas si fier de l’être », le supplément Education du Times avait publié en 1997 le résultat d’une enquête menée auprès de 850 jeunes français et anglais de 10 et 11 ans sur leur attitude à l’égard de leur pays. Seuls 35% des jeunes anglais se disaient très fiers de leur pays. Interrogés sur les raisons d’être fiers, les anglais répondaient des choses comme « il ne fait ni trop chaud ni trop froid, notre eau et notre nourriture sont saines… les Anglais sont solides et en bonne santé… nous sommes un pays indépendant… Manchester United vient d’Angleterre ». Les enfants français, par contraste, se disaient fiers de leur pays à 57% et parlaient de « notre beau pays », « parce qu’on est libre », ou disaient des choses comme « nous sommes tous égaux ». L’un écrivit même « car la France est un pays magnifique et démocratique et accueillant ».

Jeremy Paxman voit dans cette enquête le résultat de l’auto-intoxication des élites anglaises qui ne cessent depuis la fin de la seconde guerre mondiale de répéter que leur pays « va aux chiens ». Mais elle exprime surtout l’allergie de la culture anglaise aux idéologies et aux extrémismes : « dès l’âge de 10 ans, les enfants anglais avaient développé les compétences pragmatiques, de style question réponse, qui caractérisent la tradition intellectuelle anglaise, alors que leurs homologues français récitaient une foule de slogans préfabriqués ».

Les Anglais ont un problème d’identité que relève justement Paxman : alors que les Ecossais, les Irlandais et dans une moindre mesure les Gallois sont conscients de leurs caractéristiques propres et sont attachés à leurs symboles nationaux, l’identité anglaise est comme dissoute dans l’identité Britannique, celle d’un empire autrefois formidable mais aujourd’hui disparu. Mais il s’agit davantage d’une difficulté à formuler les traits caractéristiques de cette identité que de l’identité elle-même, qui est très forte. Paxman la fait remonter à la création de l’Eglise d’Angleterre par Henry VIII, une Eglise de convenance née pour couvrir un divorce, nullement « protestante » par nature, une Eglise pragmatique, confortable et accommodante. Mais cette Eglise traduisit la Bible en langage vulgaire et sculpta ainsi deux caractéristiques indéracinables : l’individualisme, c’est à le droit de chacun à sa propre vérité, jusqu’à l’excentricité ; et la passion pour les mots. Celle-ci se révèle dans le fait que l’industrie du livre britannique publie plus de 100.000 titres par an, plus que toute l’industrie américaine, dans le fait que le pays produit plus de journaux par tête d’habitant que presque n’importe où sur la terre, dans le flux ininterrompu de courriers des lecteurs, dans l’appétit inépuisable pour les puzzles verbaux, anagrammes, Scrabble, quiz et mots croisés, dans la vitalité du théâtre britannique, dans les marchés du  livre d’occasion dans la moitié des villes du pays. « Les livres sont une monnaie nationale », concluait un ambassadeur à l’étranger aujourd’hui retiré.

Jeremy Paxman plaide pour que l’Angleterre cesse de regarder le passé et déchiffre son identité aujourd’hui. Il cite un discours de John Major en 1993 au Parlement en défense de l’Europe : « Dans cinquante ans, la Grande Bretagne sera encore un pays avec de longues ombres portées sur les terrains communaux, de la bière chaude, des banlieues d’un vert invincible, des gens amoureux des chiens, et – comme l’écrit George Orwell – de vieilles servantes se rendant à la sainte communion en bicyclette dans la brume du matin ». Mais d’où venait donc ce charabia ? demande Paxman. Où trouve-t-on encore aujourd’hui de veilles servantes pédalant à l’aube pour entendre la messe ? L’Angleterre est devenue un pays multiculturel, riche de design et de finance, un pays où des institutions éternelles comme le mariage s’avèrent périssables. Il faut dès lors qu’elle s’invente un nouveau nationalisme tourné vers l’avenir et « fondé sur les attitudes d’esprit qui font de la culture anglaise ce qu’elle est : individualisme, pragmatisme, amour des mots et, par-dessus tout, ce glorieux et fondamental entêtement.»