Le supplément « Venerdì » du quotidien italien La Repubblica a publié le 5 février un article sur le racisme vu et vécu par des enfants. Il se fonde sur un livre de Giuseppe Caldi, un instituteur de Reggio Emilia. Intitulé « Italia, per esempio » (Italie, par exemple). Le livre sera publié par Feltrinelli dans quelques jours. Il se présente comme une anthologie amusante, mais aussi tendre, bouleversante et douloureuse. En voici quelques extraits.
Aujourd’hui Carlo a écrit sur ma trousse « je te hais ! » Moi pourtant ça ne me touche même pas, parce que j’y suis habituée (Vera, 9 ans, Albanie)
Moi ici en Italie je suis nouvelle. D’abord j’avais peur de ne pas parler, de ne pas apprendre. Et puis je ne savais pas si les maîtresses et les élèves m’acceptaient ou non. Mais ensuite elles ont fait une fête pour moi, elles ont dit mon nom et bref maintenant je me trouve très bien ici à l’école en Italie. Maintenant je sais qu’elles m’acceptent. Je le sais parce qu’elles me le disent. Peut-être me le disaient-elles avant, mais je ne comprenais pas bien ». (Laila, 7 ans, Egypte)
Une chose qui m’ennuie de la part de quelques camarades de classe italiens est celle-ci : s’ils t’offrent une balle et que le lendemain ils te disent qu’ils ne te l’ont pas offerte et la reprennent, ils me disent que je n’ai pas compris. En revanche, moi j’ai très bien compris (Jo, 10 ans, République Dominicaine).
Eux, ils sont contre tous sauf contre eux-mêmes. Ils s’appellent Lega Nord et sont contre le Sud, l’Ouest et l’Est (Naima, 11 ans, Maroc)
Ils sont petits, sympathiques, joyeux, toujours à la mode. Les Italiens ressemblent aux Albanais (Vera, 9 ans, Albanie)
Les mamans d’Italie traitent leurs enfants un peu comme des bébés, même s’ils sont plus grands. En revanche, mois j’ai tout de suite compris que je devais me débrouiller toute seule (Olga, 11 ans, Togo)
Un enfant pense que j’ai la peau comme ça parce que je me suis teinte avec un crayon. Et si je me lave bien la figure, après elle devient blanche. Mais à la fin, ils posent tous des questions. Ils disent : « de quelle couleur est ton sang ? » Ils disent « mais ton caca est noir ? » Ils le disent parce qu’ils sont petits, ils ne sont pas méchants. Eux dès qu’ils voient une peau noire, ils pensent que tout est noir, mais ça n’est pas comme ça, Je ne me mets as en colère car la maîtresse doit encore tout leur enseigner, ils sont trop petits. Et puis je n’ai jamais vu un caca blanc, personne ne l’a vu, ça n’existe pas ! (Ines, 9 ans, République Dominicaine)
Pour moi, s’ils s’aiment ils font bien de s’épouser même si lui est noir et elle blanche, la couleur ne veut rien dire parce que même celui qui vient de l’étranger est une personne, pas un animal. Mais le mari et la femme doivent se mettre bien d’accord sur ce que l’on mange, sur la religion et sur l’éducation des enfants, parce qu’ils avaient peut-être des habitudes différentes et donc pour se mettre d’accord ils doivent un peu plus parler, autrement il y a des embrouilles et même des litiges. Mais il peut y avoir des embrouilles même si le père et la mère sont tous deux italiens, en fait en Italie il y a beaucoup de mariages non mixtes mais aussi beaucoup de divorces (Kumari, 10 ans, Pakistan)
Mon frère m’avait dit que s’il voulait aller en discothèque, lui en Italie ne peut pas y aller. Non parce qu’il est petit, mais parce qu’il est étranger. Parce qu’à Reggio Emilia et Parme on n’accepte pour danser en discothèque que des italiens. Mais si tu es une fille, tu peux entrer même si tu es marocaine. Mais seulement si tu es belle (Omar, 11 ans, Maroc)
En Italie, il y a deux rois : un roi est Berlusconi, l’autre est le Pape. Berlusconi commande l’Italie, le Pape commande les Italiens (Lili, 9 ans, Chine)
Moi, s’il y a seulement cette croix ça ne m’ennuie pas, mais si le mort y est attaché ça me semble un peu moche parce que quand tu manges tu vois tout le temps ce Dieu qui meurt et pour moi ce n’est pas beau. (Naima, 7 ans, Maroc)
Si tu es née dans un pays et que tu viens ensuite habiter dans un pays lointain, comme moi, tu te sens un peu étrange, tu te sens un peu comme si tu étais un nouveau né ; parce que tu es déjà né au Sri Lanka, comme moi, mais si tu viens en Italie, tu sais marcher mais tu ne sais pas parler italien, et tu dois changer ta façon de manger parce que tu ne trouves pas notre nourriture (Sheela, 9 ans, Sri Lanka)
Moi j’ai mes parents qui sont nés en Tunisie et moi je suis née pourtant en Italie, alors quelle est ma patrie ? Toujours la Tunisie ou est-ce l’Italie aussi pour moi ? Ou bien toutes les deux ? Ou bien aucune patrie ? (Zahira, 11 ans, Tunisie)
Parfois je ne comprends pas les gens qui te disent que tu es Albanais, tu es Indien, tu es Italien, tu es Roumain. Qu’est-ce que ça veut dire ? Moi maintenant je suis ici, en Italie (Damian, 10 ans, Roumanie)
Il y a beaucoup de types d’Italiens : grands, blonds, de valeur, méchants. Comme les Chinois. Mais ils sont un eu ignorants, ils ne le savent pas. Ils pensent que tous les Chinois sont pareils, parce qu’ils n’ont pas voyagé comme moi (Tong, 9 ans, Chine).
Très chouette de donner la parole aux enfants d’immigrés, quel qu’en soit le pays dit « d’adoption ».