Pestilence carcérale

Une caractéristique de la vie en prison, c’est la gangue d’odeurs qui oppresse les détenus comme le personnel de surveillance. Ces odeurs sont parfois pestilentielles.

Lorsqu’on entre pour la première fois en prison, on est souvent assourdi par le vacarme des clés, des portes que l’on bat, des interphones, des ordres criés, des conversations d’une fenêtre à l’autre.

Une autre impression toutefois se superpose et prend une place grandissante : celle d’être plongé dans une puanteur. Partout règne une forte odeur de produit d’entretien bon marché. Lorsque les températures s’élèvent, la transpiration des corps rend pénibles les rencontres au parloir.

Dans les cellules minuscules, partagées par deux et parfois trois hommes, le tabac, quelque fois mélangé à d’autres produits, forme rapidement un nuage qui imprègne les murs, les vêtements et les poumons. L’administration s’efforce de préserver les (rares) non-fumeurs de cette promiscuité, mais elle n’y parvient pas toujours. Les critères d’affectation à une cellule sont multiples, de l’affaire dans laquelle on est impliqué à la langue que l’on parle. Il arrive qu’un non-fumeur soit enfermé avec un fumeur chronique. Il tente alors de se protéger avec les moyens du bord, une serviette mouillée sur le visage par exemple.

La catastrophe survient lorsqu’est introduit un codétenu fâché avec l’hygiène. À peine est-il entré qu’une odeur pestilentielle envahit la cellule. Celle d’un cadavre en décomposition. Il est SDF, il n’a pas idée de l’effet que la pourriture qu’il emporte avec lui produit dans un espace de 9m². Il faudrait qu’il se douche de fond en comble, mais il n’en sent pas la nécessité : c’est le monde qui pue, pas lui. Il faudrait brûler ses vêtements, mais il n’a pas de rechange.

On prévient les surveillants, on demande de l’aide. L’administration est embarrassée. Que faire ? Attribuer au putois une cellule individuelle serait nécessaire, mais comment faire alors que dans certaines cellules un troisième détenu couche sur un matelas par terre ?

L’emprisonnement ne devrait consister qu’en la peine de privation de liberté, souligne sans cesse le contrôleur des lieux de privation de liberté. Il s’accompagne souvent hélas de tortures raffinées. L’empoisonnement par la pestilence est l’une d’elles.

Ces dernières années, on assiste à la multiplication de jardins en prison. Le calme et les couleurs constituent, pour les détenus, un bénéfice incomparable ; et les fragrances, peut-être encore davantage.

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