Les périodes caniculaires rendent particulièrement éprouvantes les conditions de vie des personnes détenues et du personnel pénitentiaire.
Je me rends en cet après-midi de juillet comme chaque semaine à la Maison d’Arrêt de Bordeaux Gradignan pour visiter des détenus. La canicule des journées précédentes a envahi les parloirs. Le « box avocats » qui m’a été attribué permet seulement de placer une table et deux chaises en vis-à-vis. Il n’est pas aéré. La chaleur y est étouffante, dépassant probablement les 40°C.
Je transpire abondamment, ainsi que les trois détenus qui successivement m’y rejoignent. Après une demi-heure d’entretien, la température s’est encore élevée de plusieurs degrés et l’odeur mêlée de nos corps inonde la pièce. Tout à l’heure, je sortirai, j’ouvrirai grand le toit ouvrant et les fenêtres de la voiture, je mettrai en marche et j’aurai le visage balayé par le vent. Mes interlocuteurs seront rentrés en cellule.
L’un des détenus que je visite me dit son appréhension. Celui qui partage sa cellule est un grand balèze adepte de la musculation. Le problème, c’est qu’il omet de se doucher en remontant de la salle de sport et que, lorsqu’il fait une série de pompes dans la cellule, l’odeur devient vite insupportable.
Un autre me raconte que chaque été il allait en Espagne cueillir les fruits. Cette année, il en est empêché. Il ne pourra envoyer de l’argent à sa famille restée au pays, comme c’était son habitude.
Pour les Français « du dehors », la canicule est un moment fort de l’été, dont les inconvénients se dissolvent dans le pastis partagé sous la tonnelle, les veillées le soir sous les pins, les bains dans l’océan qui lavent le corps et l’âme.
Pour ceux « du dedans » de la prison, c’est le moment de serrer les dents, de ne pas trop penser au fossé qui se creuse avec ceux qui sont en vacances, de ne pas trop regretter les activités arrêtées pour de longues semaines, de ne pas trop s’indigner d’une justice au point mort. C’est aussi le moment de tenter de se rafraîchir par tous les moyens, en pensant au bock de bière que l’on boira dans quelques semaines, dans quelques mois, dans quelques années, quand enfin sonnera l’heure de la libération.
Dans le même genre, cet article de Europe1en ligne : http://www.europe1.fr/societe/chaleur-absence-des-familles-lete-une-periode-plus-tendue-en-prison-2815201