Dans sa série documentaire « État de choc », la chaîne de télévision W9 a diffusé récemment deux reportages sur des prisons au Japon et dans l’État américain du Maryland, dont la capitale est Baltimore.
« État de choc » se présente comme une émission qui mêle découverte et sensations fortes. Plusieurs documentaires qu’elle diffuse ont pour thème la prison, un univers méconnu (découverte) où règle la violence (sensations fortes). Malgré son caractère racoleur, ce qu’elle fait découvrir de la réalité carcérale est intéressant.
On sait qu’aux États-Unis, les prisons dépendent des comtés, des États ou de l’État fédéral. Le reportage sur les prisons du Maryland a été tourné dans deux établissements : la prison de Jessup, gérée par l’État du Maryland et la prison du Comté de Frederick. À Jessup, il s’est intéressé à deux femmes, Natacha et Chamal, une mère et sa fille, condamnées à 28 ans et 20 ans de prison pour une bagarre qui a laissé une victime handicapée à vie. Les peines qu’elles purgent auraient été plus courtes en France. Il y aurait, à population égale, 40 fois plus de condamnés à la prison à perpétuité aux États-Unis que dans notre pays.
Uniformes de bagnard
La prison du Comté de Frederick échappe totalement à nos catégories juridiques et mentales. Elle est gérée par le chef de la police, le Sheriff, Chuck Jenkins, qui patrouille dans le comté à bord d’un véhicule blindé. Lorsqu’un suspect est appréhendé, il n’est pas mis en garde à vue mais directement mis en détention puisque la prison est une institution policière.
Les détenus portent un uniforme de bagnard à larges bandes horizontales, de couleur orange et blanche. Ils font l’objet de fouilles et de contrôles constants. Ils doivent se soumettre à impressionnante série d’interdictions, comme celle d’écouter de la musique. Ils portent sur eux un badge qui permet à chaque seconde de les localiser sur un gigantesque tableau de bord électronique : nous sommes comme une tour de contrôle, dit fièrement Jenkins. Mais au lieu de surveiller les mouvements des avions, nous nous occupons de ceux des détenus.
Soutien de Donald Trump, Jenkins est adoré par ses supporters. Chaque année, il les réunit pour une tombola dont les lots sont des armes à feu.
La prison ultramoderne de Frederick coûte cher. Elle est financée par un centre de rétention d’étrangers en situation irrégulière, dans les murs de la prison. Les résidents forcés portent le même uniforme orange et blanc que les détenus de droit commun. On y trouve des adolescents mêlés aux adultes dont ils sont la proie sexuelle facile. La prison reçoit 65$ par jour pour chaque étranger retenu, et cela ne lui coûte que la moitié. Cette opération lui dégage une marge d’un million de dollars chaque année.
Tout est codifié
Le second reportage de la soirée de W9 présentait deux prisons japonaises. Ici aussi, les détenus sont en uniforme, mais plus discret que ceux du Sheriff Jenkins : pantalon ou short vert pâle, t-shirt blanc. Un grand nombre de détenus à Frederick et Baltimore sont obèses ; ceux de Nunagano ou Kosuge semblent en meilleure forme physique. Leurs rations sont calculées par des diététiciens. Dans une prison américaine, le bruit et les cris sont partout. Dans une geôle japonaise, le silence règne, y compris pendant les repas et le travail.
Cellules et espaces communs sont d’une propreté absolue. Tout est codifié dans le détail, jusqu’à la manière dont les draps doivent être pliés. Les détenus se rendent d’un point à un autre au pas cadencé, sous les ordres d’un surveillant. Le travail est obligatoire et non rémunéré, mais une indemnité est versée à la sortie. Avant le travail, et aussi avant les 40 minutes de loisirs après le déjeuner, se pratiquent des exercices d’échauffement et d’assouplissement. Télévision et lumière s’éteignent à 21h.
Une salle est réservée aux exécutions par pendaison. Trois manettes commandent l’ouverture de la trappe, actionnée par trois bourreaux. Ainsi, chacun peut se dire qu’il n’a peut-être pas provoqué la mort.
Une curiosité est le festival annuel de la prison de Kosuge, dans les jardins autour des bâtiments. Des orchestres se succèdent sur une scène. Adultes et enfants peuvent déguster des rations du prisonnier, se faire photographier avec la casquette du surveillant, acheter des boucles d’oreille en forme de menottes et des chaussures produites en prison.
Le reportage insiste sur le vieillissement de la population carcérale. Des personnes âgées commettraient de menus larcins pour être hébergés en prison plutôt que de vieillir seules. On assiste à un cours de puériculture : des femmes âgées apprennent à s’occuper de bébés figurés par des poupées. Ainsi, à leur sortie elles pourront garder leurs petits enfants ou des petits de leur voisinage.