Prisons ouvertes : un pas vers la réinsertion ?

Arte TV a récemment diffusé un documentaire de Bernard Nicolas : « Prisons ouvertes, vers la réinsertion ? »

 Le réalisateur a enquêté dans des « prisons ouvertes » en Finlande, en Allemagne et en Suisse, ainsi qu’au centre de peines aménagées de Metz. Il s’agit de structures dans lesquelles des détenus en fin de peine s’habituent progressivement à la vie hors des murs. Ils détiennent la clé de leur « chambre » (et non cellule), vont au travail et suivent une formation, disposent peu à peu de marges croissantes d’autonomie, incluant des congés hors de la prison.

Prison ouvert en Suisse
Prison ouvert en Suisse

L’ambiance de la prison n’a pas disparu. On retrouve les éternels survêtements et baskets, les épaules voûtées, l’oppressante absence de femmes. A Metz, une réunion d’accueil est organisée pour les entrants : d’un côté, une table où siègent la directrice et ses adjoints en uniforme pénitentiaire ; à deux bons mètres de distance, les détenus assis sur des chaises disposées en demi-cercle. En Allemagne, le directeur d’une prison ouverte reçoit rapidement les détenus qu’il va affecter dans l’une des unités de vie et de travail ; on ne peut pas dire qu’il les rencontre, car il n’a pas un regard pour eux.

 Toutefois, cette transition vers une vie normale non délinquante est appréciée par tous les détenus interviewés. Certains regimbent à l’obligation de se lever le matin pour se rendre au travail, au lieu de rester au lit enfermé en cellule. Mais la prison ouverte les place dans une perspective de vie professionnelle, leur permet de gagner un pécule et rend moins angoissante la sortie.

 Dans certains Länder allemands, la proportion des détenus en prisons ouvertes atteint un quart. En France, c’est moins de 1%. Robert Badinter avait cherché comme Garde des Sceaux à développer cette formule, sans succès. Interviewé dans le documentaire, il attribue cet échec à l’inconscient collectif selon lequel les détenus doivent payer par la souffrance. Le juriste Paul-Roger Gontard va dans le même sens : « la tradition française reste pétrie de morale judéo-chrétienne, à dominante catholique. La peine passe par l’affliction, par mimétisme avec la passion christique. »

 Il est prouvé que le taux de récidive après la prison ouverte est inférieur à celui enregistré pour les détenus libérés sèchement après un séjour en prison fermée. Le coût d’une journée en prison ouverte est très inférieur à celui en prison fermée. Ces arguments devraient convaincre les politiques de s’engager hardiment dans le développement de ces structures de détention. Mais le discours dominant reste celui de la répression et de la punition. On peut toutefois penser que le développement de la contrainte pénale, créée récemment par la loi Taubira, conduira dans l’avenir à multiplier des structures intermédiaires entre la prison classique et le régime de détention en milieu ouvert.

A noter l’usage de drones par le réalisateur. Le spectateur survole les lieux de détention avec la légèreté d’un oiseau : amer contraste avec la condition présente des détenus, allégorie d’un possible futur.

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