Dans « Probation, Insertion, les deux axes d’une politique ambitieuse de prévention de la récidive » (L’Harmattan, 2017), Christian Daniel exprime ses convictions forgées par son expérience de près de quarante ans dans les services d’insertion du Ministère de la Justice.
« Dans quelques mois, je partirai à la retraite et j’ai souhaité laisser une trace, marquer mon empreinte afin que, par l’expression de mes convictions, cet écrit soit utile, percutant pour l’avenir », écrit l’auteur en introduction à son ouvrage.
Christian Daniel formule, au fil des pages, 66 propositions qui lui semblent de nature à rendre plus efficace le service d’insertion et de probation, celui qui, en détention comme en milieu ouvert, vise à mettre les personnes placées sous main de justice sur le chemin de l’insertion ou de la réinsertion dans la société.
Il donne la parole, tout au long de l’ouvrage, à des professionnels et des bénévoles qu’il a côtoyés : artiste en milieu carcéral, chercheur dans le champ pénal, avocate, responsable d’association de réinsertion, médecin, visiteuse de prison, etc. Il cite des rapports officiels, comme le rapport du jury de la Conférence de consensus (février 2013) ou le livre blanc sur l’immobilier pénitentiaire (avril 2017).
S’il fallait choisir deux mots pour indiquer le sens général de l’ouvrage, je proposerais « objectivité » et « continuité ».
Objectivité
Christian Daniel appelle à un examen objectif des faits et des chiffres.
Il y a quelque chose d’absurde dans l’attachement de l’opinion publique et d’une partie des magistrats à la peine d’emprisonnement. Tout le monde sait que la prison est dé-socialisante, qu’elle fonctionne parfois comme école du crime, voire du terrorisme. Tout le monde est conscient de ce que tout prisonnier sortira un jour, et que les frustrations accumulées derrière les murs peuvent constituer une bombe à retardement.
Tout le monde sait que la prison coûte excessivement cher. Le coût annuel d’un détenu est de 32 000€ ; celui d’une personne suivie en milieu ouvert, de 1 000€, indique Christian Daniel.
Tout le monde sait que, si l’on crée 15 000 places de prison nouvelles, il ne sera pas possible de renforcer les services d’insertion et probation. Face aux besoins financiers issus mécaniquement des constructions (par exemple, davantage de surveillants), les arbitrages se rendront inévitablement en défaveur de l’insertion et de la probation.
Pour Christian Daniel, il est crucial de renforcer la recherche scientifique pour combattre efficacement le préjugé en faveur du tout-carcéral. Il faut démontrer, chiffres en main, que l’emprisonnement entraîne un risque important de réitération d’actes délictueux ou criminels ; que le suivi en milieu ouvert obtient de bien meilleurs résultats, que ce soit en France ou à l’étranger.
Continuité
La « continuité » que Christian Daniel appelle de ses vœux est celle entre le dedans et le dehors, entre la prison et le milieu ouvert. Il en parle dès le début du livre : après un chapitre introductif sur l’histoire des Services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP), il évoque la sortie de prison, « transition du dedans vers le dehors ».
Actuellement, les SPIP sont intégrés à la direction des affaires pénitentiaires du ministère de la Justice. Or, ils suivent un bien plus grand nombre de personnes en milieu ouvert qu’en milieu fermé. Le rattachement hiérarchique à l’administration pénitentiaire a pour effet de les associer de près à des problématiques sécuritaires qui ne devraient pas, selon l’auteur, être les leurs. Christian Daniel regrette d’ailleurs que le profil des jeunes conseillers d’insertion et de probation soit de plus en plus celui de juristes, de moins en moins celui d’éducateurs et de travailleurs sociaux.
L’auteur en appelle logiquement à la création d’une grande direction de la probation, autonome de la direction des affaires pénitentiaires et dépendant directement du ministre de la Justice. La direction de la probation regrouperait tout ce qui relève de la probation, des aménagements de peine et de l’insertion des personnes suivies, que cela s’opère en milieu fermé ou en milieu ouvert.
Cette réforme semble à l’auteur indispensable pour qu’une priorité soit vraiment reconnue à la probation et à l’insertion et que la France, comme d’autres pays voisins s’engage résolument dans la voie de la désescalade carcérale.
Je n’ai pas d’éléments pour valider les 32.000€ du coût d’un détenu. En revanche les 1000€ pour un suivi en milieu ouvert sont totalement non crédibles. Ou alors il traduisent ce que je soupçonne: il n’y a pas de suivi.
A vouloir trop prouver…
Le coût d’un détenu en maison d’arrêt est estimé à 90€ par jour, donc 32.000€ par an. Si on suppose que le coût d’un CPIP (conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation), salaire, charges, taux d’encadrement et frais de structure inclus est de l’ordre de 100.000€ et qu’idéalement il devrait suivre 50 personnes en milieu ouvert, on aboutit à 2.000€ par an et par personne suivie, soit 16 fois moins qu’une incarcération. Quand bien même la supposition de 100.000€ serait erronée et que la réalité soit deux ou trois fois supérieure, il resterait de la marge pour que le coût d’un suivie en milieu ouvert excède celui de l’incarcération.
Le chiffre de 1014 euros pour une personne suivie en milieu ouvert par an est malheureusement basé tout à fait crédible et repose sur des données officielles. Si je propose un recrutement de 2500 conseillers c’est pour permettre un suivi décent de ces mesures. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il n’y a pas de suivi !
Si le chapitre sur les coûts comporte déjà une démonstration en soi, je suis prêt à étayer ces données.
Merci pour vos commentaires et bravo pour le blog.
Christian