Le congrès de l’Association nationale des visiteurs de personnes sous main de justice (ANVP), réuni à Marseille les 20 et 21 mai 2022, avait pour thème « punir autrement ».
Le « terrain de jeu » de l’ANVP n’est plus seulement la prison. Ses adhérents ne visitent plus seulement des personnes détenues, mais aussi celles qui font l’objet de mesures judiciaires hors les murs, telles que le sursis probatoire, la détention à domicile sous surveillance électronique, le travail d’intérêt général ou le placement extérieur.
Plusieurs intervenants ont apporté leur éclairage sur les peines alternatives à la prison : la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Dominique Simonnot ; Sylvain Lhuissier, de l’Agence de travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle ; la juge d’application des peines d’Alès et le procureur de la République de Nîmes ; un conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation (CPIP) avec l’une des personnes sous main de justice qu’il accompagne ; un psychologue travaillant au sein d’une équipe de CPIP ; une responsable d’Emmaüs, venue témoigner du développement de fermes qui, à la suite de celle de Moyembrie, accueillent des personnes détenues en fin de peine en vue de leur réinsertion.
Une culture de l’emprisonnement
Il faut bien reconnaître qu’en France domine une culture de l’emprisonnement. La prison est la peine de référence : « il a pris trois ans », lit-on en titre dans les journaux. Il faut châtier durement les coupables d’un crime ou d’un délit et, dans l’esprit du « œil pour œil, dent pour dent », leur infliger des souffrances au moins égales à celles qu’ils ont causées à autrui.
La privation de liberté provoque, en soi, une terrible souffrance. Des conditions de détention indignes ajoutent de la souffrance à la souffrance. Lorsqu’on est trois dans une cellule de 9 m² et qu’un détenu dort sur un matelas au sol ; lorsque, comme à Seysses (près de Toulouse), il faut mettre du coton dans les oreilles pour les préserver des cafards ; lorsque, comme à Nîmes, les cellules du dernier étage deviennent une étuve les jours de canicule ; alors, dit Dominique Simonnot, ne peut-on pas parler de « châtiments corporels » ?
Comment, demande-t-elle, avons-nous pu, progressivement, nous habituer à l’inacceptable ? Pour ne pas voir, on construit les prisons dans des périphéries de plus en plus inaccessibles : loin des yeux, loin du cœur, loin des centres-villes.
Rappelons que la surpopulation carcérale touche les maisons d’arrêt, dont plus d’un tiers des pensionnaires sont des prévenus en attente de jugement, et donc présumés innocents.
S’y prendre autrement ?
Lorsqu’un détenu libéré récidive, la réaction spontanée est « on n’a pas tapé assez fort » : il avait été condamné à quatre ans, cette fois on lui en inflige huit. Rarement on se demande pourquoi la prison n’a pas marché, pourquoi ces quatre ans n’ont pas empêché la personne de commettre de nouveau une infraction ? N’aurait-on pas pu s’y prendre autrement, dans le but de réconcilier la personne condamnée avec la société ?
Ne pourrait-on développer les peines alternatives à la prison, avec de meilleurs résultats que l’emprisonnement : moins de récidive, plus d’insertion réussie ? Comment faire en sorte que la peine soit utile, à la personne condamnée comme à la société ?
Il faut d’abord souligner que les mesures judiciaires alternatives à la prison constituent de véritables peines et non des échappatoires. Une lourde amende fait mal. Le travail d’intérêt général est du temps passé sans rémunération. Une détention à domicile est difficile à vivre par les personnes condamnées comme par leurs proches. Un ancien détenu témoigne : « le jour où l’on fixé à ma cheville le bracelet électronique, ma compagne depuis seize ans est décédée. La peine s’est ajoutée à la peine. »
La désistance
Les peines alternatives à la détention visent à encourager les personnes condamnées à s’engager dans la « désistance », c’est-à-dire à tourner le dos à la délinquance. La désistance n’est pas un événement mais un processus. Le chemin est souvent tortueux. Nombre de personnes qui décident d’arrêter de fumer ou de boire, ou bien entreprennent un régime pour perdre du poids, connaissent des moments de découragement, voire de renoncement.
Le rôle des CPIP et des éducateurs consiste d’abord à faire comprendre aux intéressés le sens de la peine qui leur est infligée, à obtenir leur adhésion aux contraintes qu’elle suppose. « Il faudra que vous fassiez un travail sur vous-même, dit un CPIP à un condamné. » Celui-ci a l’impression qu’on lui parle dans une langue étrangère : « qu’est-ce que c’est qu’un travail sur soi-même ? » lui demande-t-il.
« Il faut tout un village pour réhabiliter un individu », a-t-on entendu pendant le colloque de l’ANVP. Dans les fermes d’Emmaüs, le taux d’encadrement des personnes hébergées par des professionnels est élevé, bien que son coût reste inférieur à celui d’une détention. Des bénévoles y jouent un rôle important. Ils représentent, jour après jour, cette société civile dans lesquels les personnes condamnées aspirent à s’intégrer.
Merci pour cet article très clair,cependant j aurai rajouter un point d interrogation au thème du congres,peines alternatives ?
Le mot alternatif signifie à la place de
Mais le nombre de détenus augmente régulièrement ainsi que le nombre de personnes hors les murs sous main de justice
Là où un magistrat aurait hésiter à édicter une peine de prison,pour les peines alternatives c ‘est open bar
Il faudrait réécrire le code pénal pour imaginer un nouveau droit pénal
75% de récidive pour un pognon de dingue,c’ est manifestement un échec