Quai d’Orsay

En hommage à Bertrand Tavernier, récemment décédé, France 2 a diffusé « Quai d’Orsay », comédie politique qu’il a réalisée en 2012.

 Alexandre Taillard de Worms (Thierry Lhermitte), ministre des Affaires Étrangères, est un homme pressé. Une tornade accompagne chacune de ses entrées dans le bureau de son secrétariat et les feuilles de papier s’envolent.

 Il est aussi un homme de principes, dont la bible est « les Fragments » d’Héraclite. Il croit dans la grandeur de la France et n’a que mépris pour les Slovènes ou les Norvégiens, pour les néo-conservateurs américains et les Russes corrompus. Il entend faire de chacun de ses discours une pierre d’angle qui soutiendra l’équilibre mondial pour des années ou des décennies.

Son directeur de Cabinet est Claude Maupas (Niels Arestrup), un haut fonctionnaire blanchi sous le harnais, profondément désabusé, habile à gérer la cacophonie des spécialistes de zones géographiques, capable de désamorcer une crise en actionnant discrètement ses réseaux personnels. Des crises, le Quai d’Orsay ne cesse d’en gérer. En filigrane, on discerne l’Irak, le détroit d’Ormuz, le Rwanda, la Somalie…

 Un jeune fonctionnaire, Arthur Vlamink (Raphaël Personnaz), intègre le ministère comme « chargé du langage », c’est-à-dire préposé à la rédaction des discours du ministre. Il faut lui faire de la place, alors qu’aucun poste budgétaire n’a été ouvert et qu’aucun bureau n’est disponible.

Arthur découvre peu à peu les mœurs de la maison. La signification de « bon courage » (« tu vas au casse-pipe »). Les coups-fourrés entre collègues, la spécialiste Afrique (Julie Gayet) qui le drague en lui assurant que le discours qu’il a préparé est excellent, puis le flingue en réunion. Les coups de sang du patron, qui fait refaire dix fois le même discours, et fait intervenir un gourou qui ajoute la complication à la complication.

 Le Quai d’Orsay apparait comme une véritable maison de fous tournant à vide. Arthur participe à la folie ambiante, mais son amour pour sa compagne Marina (Anaïs Demoustier) le retient du côté de la vraie vie.

 Miraculeusement, le discours de Taillard de Worms devant le Conseil de Sécurité (alias Dominique de Villepin le 14 février 2003) est un triomphe, malgré une préparation chaotique. Miraculeusement, le ministre n’a pas oublié d’intervenir pour qu’un titre de séjour soit accordé à la famille d’une élève dont Marina est institutrice, qui allait être expulsée.

 Quai d’Orsay est une comédie drôlissime, mais qui fait aussi froid dans le dos. On sent bien que, derrière la caricature, c’est le fonctionnement absurde du pouvoir qui est brocardé et qu’il y a beaucoup de vérité dans la peinture du ministère comme un asile de brillants aliénés.

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