Arte TV a récemment diffusé « Que Dios nos perdone » (que Dieu nous pardonne), film réalisé par Rodrigo Sorogoyen en 2016.
Ce polar se déroule en 2011, alors que deux groupes opposés se disputent Madrid : les « indignés » occupent Puerta del Sol ; les Catholiques se préparent à accueillir le pape Benoît XVI pour les journées mondiales de la jeunesse.
Une vieille dame est battue, violée et tuée. Deux policiers, Javier Álfaro (Roberto Álamo) et Luís Velarde (Antonio de la Torre) sont mis sur l’affaire. Mais quand il apparaît que la personne assassinée est une catholique fervente, ils sont priés de faire silence et de cesser leurs investigations : il ne faudrait pas ternir la visite pontificale.
Le problème est que tueur s’enhardit. Puisqu’aucun journal ne parle du meurtre, il peut en commettre un second, puis un troisième. À la suite d’une bavure, les inspecteurs sont dessaisis puis, parce qu’eux seuls sont en mesure de résoudre l’énigme, chargés de nouveau du dossier en sous-main. C’est que Luís Velarde a des intuitions fulgurantes, et que rien ne peut arrêter Javier Álfaro.
Le profil du tueur en série se fait plus précis. C’est un homme d’une trentaine d’années, traumatisé à vie par une mère bigote et abusive, possédé par un désir violent et mortel de vengeance. On finira par l’identifier, il s’appelle Andrés Bosque (Javier Pereira), mais il disparaît dans la nature. Trois ans plus tard, Luís Velarde retrouvera sa trace et lui fera payer ses crimes, à commencer par le meurtre de son partenaire et ami Álfaro.
Le film de Sorogoyen se place dans un contexte historique qui voit s’affronter un catholicisme encore à peine dégagé d’un passé totalitaire et des contestataires qui ne supportent pas que l’État espagnol supporte le coût d’un déplacement pontifical.
La prière « que Dieu nous pardonne » ne s’adresse pas seulement au tueur en série. Car les deux inspecteurs de police en sont, en quelque sorte, le reflet. Álfaro est impulsif, d’une violence parfois incontrôlée. Velarde est un introverti maladif, affligé d’un bégaiement qui l’empêche de s’exprimer normalement. Il regarde longuement par l’œilleton de la porte de son appartement la femme de ménage ; lorsque celle-ci l’approche, il ne peut s’empêcher de tenter de la violer.
« Que Dios nos perdone » est le reflet cruel d’une société malade. Son regard hyperréaliste dérange, mais c’est la vérité qu’il révèle qui nous rend mal à l’aise.