L’Observatoire de la formation de l’École nationale d’administration pénitentiaire (ENAP) a publié trois études sur les carrières des surveillants pénitentiaires : en février 2023, qui devient surveillant pénitentiaire ? En septembre 2023, que deviennent-ils ? En février 2024, où vont-ils ?
Réalisées par Pauline Castaing et Laurent Gras, ces études sont fondées sur des données statistiques concernant 26 779 élèves surveillants, issus de 51 promotions entrées en formation de 2000 à 2018.
Cette étude permet de mieux connaître un métier méconnu, même par des bénévoles qui interviennent régulièrement dans les prisons. Cet article de « transhumances » ne constitue par un résumé de ces études, mais un relevé de conclusions qui m’ont particulièrement frappé.
Qui devient surveillant pénitentiaire ?
Les femmes restent minoritaires. Elles ont représenté un quart de l’effectif entré en 2018.
Autre caractéristique : les personnes issues de l’Outre-mer représentent environ 30% des élèves.
Les titulaires du baccalauréat représentent 65% de la population étudiée. Toutes promotions confondues, 91% des élèves sont titulaires d’un diplôme dont le niveau est plus élevé que celui requis pour passer le concours, dont 21% sont diplômés du supérieur. Il faut toutefois relever que la proportion de non-bacheliers a eu tendance à s’accroître, passant de 20% en 2000 à 35% en 2018. Cette évolution est problématique. Pour revaloriser le métier de surveillant, celui-ci est passé de la catégorie C à la catégorie B de la fonction publique, dont le niveau de recrutement est le baccalauréat. Le métier sera-t-il suffisamment attractif pour que se présentent au concours davantage de bacheliers ?
Enfin, il faut relever l’accroissement progressif de l’âge d’entrée à l’ENAP, qui est actuellement de 28,7 ans. L’âge limite d’entrée a été porté à 40 ans en 2006, à 42 ans en 2013 et à 45 ans en 2019, ce qui accentue l’hétérogénéité de l’âge des élèves. Par ailleurs, un nombre croissant d’élèves ont exercé d’autres activités professionnelles avant leur entrée à l’école, actuellement une dizaine d’années en moyenne après leur sortie du système scolaire.
Que deviennent les surveillants pénitentiaires ?
La première année, incluant la formation et la première prise de fonctions, un nombre significatif de surveillants quitte l’administration pénitentiaire : 6,3% pour l’ensemble de la population étudiée, avec une tendance à l’augmentation. De la deuxième à la septième année, le taux de départ est faible, autour de 2%. Beaucoup de départs sont constatés vers la septième année, autour de 4%, avant de baisser de nouveau. Ces chiffres dénotent des cycles de la vie professionnelle : d’abord, le choc de la découverte d’un métier et d’un environnement différent, y compris géographique ; puis une phase d’acculturation ; ensuite, le temps des désillusions face aux espoirs déçus d’évolution professionnelle ; enfin, la sédentarisation.
À 18 ans d’ancienneté, 57% sont encore surveillants, 23% ont quitté l’AP, 13% sont devenus premier surveillants, 3% Conseillers d’insertion et de probation (CPIP), 3% adjoints administratifs, 2% lieutenants. Les auteurs de l’étude relèvent que beaucoup de surveillants ont une approche sécuritaire du métier. Ils se spécialisent comme agent d’extraction judiciaire et en rejoignant les ÉRIS (équipes régionales d’intervention et de sécurité) qui rencontrent un vif succès, au vu d’autres spécialisations qu’il est possible d’envisager (moniteur de sport, formateur).
« Ce constat, écrivent les auteurs du rapport, peut s’expliquer par le fait que pour certains, devenir surveillant n’est pas la première expérience dans une force de sécurité. Une proportion non négligeable d’élèves surveillants déclare avoir effectivement déjà travaillé dans le domaine de la sécurité, privée et/ou publique. Rejoindre ces domaines d’activité ayant trait à la sécurité permettrait ainsi de procéder à un transfert de compétences et d’accumuler des savoirs dans un domaine d’activité déjà investi. »
Au début de leur formation, seuls 3% des élèves surveillants souhaitent rester dans cette fonction toute leur carrière professionnelle. Mais après 18 ans de carrière professionnelle, 57% des surveillants continuent d’exercer ces fonctions.

Où vont les surveillants pénitentiaires ?
À leur sortie de l’ENAP, les nouveaux surveillants sont, dans les trois quarts des cas, affectés à un établissement hors de leur région d’origine. La direction régionale de Paris accueille ainsi 51% d’entre eux.
Les auteurs du rapport commentent ainsi cette situation. « À l’instar de bien d’autres fonctions publiques, l’administration pénitentiaire affecte les sortants d’école sur des postes laissés vacants par les titulaires. Les surveillants nouvellement formés vont ainsi constituer la principale variable d’ajustement pour combler les postes vacants dans les zones les moins demandées. C’est ainsi que les postes proposés aux surveillants en début de carrière correspondent aux postes non pourvus par les surveillants titulaires après les délibérations des commissions administratives paritaires (CAP). Ce système de gestion centralisée détermine en amont les premières destinations professionnelles de ces personnels. »
Beaucoup de surveillants cherchent dès lors à se rapprocher de leur région d’origine. Huit surveillants sur dix quittent leur premier établissement d’affectation durant les cinq premières années de carrière. « Ces mobilités géographiques massives dès les premières années d’exercice laissent place à une baisse progressive de l’intensité de ces migrations aux anciennetés supérieures. Cette évolution signifie qu’avec le temps, s’opère un processus de sédentarisation fixant progressivement les agents sur leur lieu d’exercice. Cette sédentarisation peut certes être reliée à des raisons professionnelles, telle l’obtention de conditions et/ou de lieux de travail plus en phase avec leurs attentes, mais aussi à leur cycle de vie, relevant de raisons personnelles. »
Les auteurs du rapport soulignent que le métier de surveillant pénitentiaire, « qu’il serait loin d’être excessif de qualifier de difficile, nécessite des ancrages familiaux, culturels, budgétaires et résidentiels pour assurer leur équilibre professionnel et personnel. » Le retour à la région d’origine, problématique s’agissant de l’Outre-mer, facilite ces ancrages.