Rancœur

Dans « Rancore » (Rancoeur), publié en 2022, l’écrivain italien Gianrico Carofiglio raconte l’enquête menée par une détective privée, Penelope Spada, sur une présomption de meurtre, et aussi l’effet de ce travail sur sa vie personnelle.

 Penelope Spada est une femme de quarante-cinq ans, sportive, plutôt solitaire, qui vit avec sa chienne dans un appartement à Milan. Elle a été magistrate mais a dû démissionner à la suite d’une enquête irrégulière conclue par un drame cinq ans auparavant. Elle s’est reconvertie en détective privée.

 Une femme lui demande d’enquêter sur la mort de son père, Vittorio Leopardi, un chirurgien en vue à Milan, survenue 3 ans plus tôt. Il avait épousé une jeune femme, de trente ans sa cadette. Celle-ci ne l’aurait-elle pas fait assassiner pour jouir de l’héritage ?

Milan, Parc Sempione

Penelope a une raison particulière d’accepter cette mission. Leopardi était au cœur de l’enquête qui a tourné au fiasco. Il aurait dirigé une loge maçonnique secrète se réunissant au club des amis du cigare, dont l’objet social était de promouvoir l’art de fumer lentement.

 « Pour Vittorio Leopardi, le pouvoir et la hiérarchie étaient fondamentaux. Sa manière de voir le monde et les autres consistait à distinguer constamment entre qui était en-dessous de lui (l’immense majorité), qui était à son niveau (peu), qui était à un niveau plus haut, dans les cas rarissimes dans lesquels il parvenait à admettre une telle éventualité. » Son arrogance suscitait des rancœurs gigantesques, « comme une tumeur inopérable ». A-t-il été tué ? Si oui, ces rancœurs ont-elles quelque chose à voir avec son décès ?

 Penelope éprouve une véritable amitié pour Lisa, la jeune épouse de Leopardi, auprès de qui elle s’est infiltrée, par salle de sport interposée. Elle découvre que Lisa lui ressemble. Mais quel est l’avenir d’une telle amitié, alors qu’elle s’est approchée d’elle parce que la commanditaire de l’enquête la suspecte d’assassinat ?

 La fin de sa carrière de magistrate a plongé Penelope dans une crise existentielle. Elle n’a jamais vécu de relation stable avec les hommes. « Les hommes avaient toujours eu peur de moi. Depuis que j’étais petite fille. J’étais belle, j’étais intelligente, je semblais invulnérable et eux, même s’ils se le cachaient à eux-mêmes, étaient épouvantés. Cela me gratifiait, me donnait du pouvoir, m’excitait. Surtout, cela me permettait de chasser au loin mon angoisse, me permettait de l’oublier en croyant l’avoir supprimée. » Penelope rencontre dans un parc public Alessandro, auprès de qui elle peut se confier. Lui n’a pas peur, constate-t-elle.

Gianrico Carofiglio

Penelope Spada est une sorte de double de l’auteur, Gianrico Carofiglio. Né en 1961, il a été magistrat, consultant pour la Commission parlementaire antimafia, sénateur dans le groupe du Parti Démocrate avant de se consacrer à l’écriture. Comme Penelope, il a pratiqué le sport à haut niveau : elle dans le saut à perche, lui dans le karaté.

 « Que veulent les victimes de délits ? », se demande Penelope. « Les personnes blessées par le crime, celles qui ont perdu leurs êtres chers ou leur dignité. La punition des coupables ? Bien sûr, cela aussi. Mais la punition – la vengeance plus ou moins régulée par les lois – est en grande partie une illusion d’optique. Ce que les victimes veulent vraiment, c’est la vérité. » Son roman livre-t-il la clé de la mort de Vittorio Leopardi ? Il pourrait servir d’introduction à un exposé sur la justice restaurative.

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