Retour au parloir

Après quatre mois d’interruption due à la crise sanitaire, les visiteurs de prison peuvent, progressivement, reprendre leurs entretiens avec les personnes détenues.

 Je me sens comme un écolier le jour de la rentrée des classes. Comment vont se passer ces premières rencontres avec deux détenus dont je n’ai pas de nouvelles depuis le début mars ? Parviendrons-nous à communiquer, malgré l’interdiction de nous serrer la main et l’obligation de nous parler masqués ?

 L’un et l’autre me disent combien ils sont heureux de ces retrouvailles, et je partage leur plaisir. Il est pénible de porter le masque dans l’atmosphère confinée et la chaleur du parloir, mais il n’empêche pas de communiquer. Finalement, il oblige simplement à déchausser les lunettes !

Mes deux interlocuteurs sont latino-américains. L’un d’eux me parle de son inquiétude pour sa famille à des milliers de kilomètres d’ici, de sa crainte pour le virus, des difficultés économiques que rencontrent ses proches alors que l’activité économique est bloquée.

 Le second me réserve une surprise. Comme je lui demande ce qu’il a fait pendant le confinement, il me dit qu’il a parcouru une bonne partie du chemin de Saint Jacques de Compostelle, depuis Saint-Jean-Pied-de-Port par le Camino Francés. Chaque jour, pendant la promenade dans la cour de la prison, il marche vers le village où il fera étape. Chaque nuit, en imagination, il s’imagine dans le Pays Basque, en Cantabrie ou en Galice. Il a ainsi parcouru déjà 700 kilomètres et est proche du but.

 Pendant quatre mois, mon activité au sein de l’association nationale des visiteurs de prison s’est limitée à celle d’un président s’échinant à maintenir vivante une structure créée pour visiter les personnes détenues et qui ne visitait plus. Le retour au parloir est comme une plongée à la source. Un bain de jouvence !

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