France 4 Culturebox a diffusé récemment Saïgon, pièce mise en scène par Caroline Guiela Nguyen en 2017 et filmée en octobre 2022 au Théâtre des Gémeaux de Sceaux.
La scène évoque un restaurant : à gauche, la cuisine ; à droite, une estrade avec un micro où prend place un chanteur ; au milieu, des tables individuelles ou communes, parfois dressées pour une fête, parfois constatant une solitude.
Quatre dates structurent l’histoire racontée par la réalisatrice et sa troupe : 1956, à Saïgon au moment du départ des derniers Français puis à Paris lorsque Marie-Antoinette (Ahn Tran Nghia) devenue exilée y ouvre son restaurant ; 1996, alors que le gouvernement vietnamien vient d’autoriser le retour des exilés, dans le restaurant à Paris puis, à Ho Chi Minh Ville, dans ce qui fut leur restaurant.
Le scénario n’est pas chronologique. Le spectateur voyage de 1956 à 1996, puis à 1956 de nouveau, guidé par la jolie voix off de Lam (Thi Tahn Thu Tô), l’aide cuisinière. Il est témoin de fragments de destins entre Saïgon et Paris.
Hao chantait dans le restaurant des chansons françaises. Il est menacé de mort. Sa fiancée Mai le supplie de s’enfuir en France. Sans nouvelle de Hao, elle disparaît sans laisser de nouvelles. Découvrant quarante ans plus tard à Ho Chi Minh Ville une jeune étudiante ressemblant à Mai, Hao a le sentiment de la retrouver, enfin.
Pour vivre une autre vie, Linh est décidée à s’enfuir avec Édouard, qu’elle s’efforce d’aimer bien qu’il se révèle une brute et un menteur. Ils auront un fils, Antoine. Quarante ans plus tard, il fréquentera le restaurant Saïgon et s’efforcera de comprendre, enfin, sa mère.
Marie-Antoinette est bouleversée par l’absence de son fils, parti pour la France en 1939. Elle supplie la femme d’un haut fonctionnaire français de lui révéler ce qu’il est devenu. Chaque année, à la date anniversaire de l’absent, sera organisée une grande fête.
Ce spectacle, coécrit par Caroline Guiela Nguyen avec sa troupe, Les hommes approximatifs, est joué en français et en vietnamien par des acteurs vietnamiens de France et du Vietnam et des acteurs français. Il constitue un hommage à la diversité qu’apporte le destin bouleversé de femmes et d’hommes contraints par l’exil de se réinventer dans un autre pays.
J’avais aimé « Fraternité, conte fantastique », une pièce plus récente de la réalisatrice. On y trouvait, comme dans Saïgon, une écriture théâtrale capable d’évoquer le vécu des acteurs au plus près de leurs sentiments.