C’est une sale guerre qu’Israël livre à Gaza sous le nom de « Puissante Falaise ».
Il est difficile de prendre et d’afficher une position dans le conflit israélo-palestinien. Il y a l’ombre de la Shoah et la culpabilité pour ce que, pendant des siècles et particulièrement au vingtième, la Chrétienté a fait subir aux Juifs. Il y a le risque de glisser de l’antisionisme à l’antisémitisme. Il y a la répulsion pour ce que « l’Islamisme » contient de rétrograde, en particulier concernant le statut des femmes. Il y a la crainte d’irriter des amis personnels Juifs.
Ce qui me décide à m’exprimer, c’est une déclaration de Benyamin Netanyahou le 20 juillet : « nous menons une opération complexe, intense et en profondeur, qui est soutenue par le monde ». Si se taire revient à soutenir cette opération complexe, intense et en profondeur, parler est un acte de dignité.
Ceux qui renvoient dos à dos le Hamas et Israël ne tiennent pas compte de la dissymétrie du conflit : des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants morts du côté des Gazaouis ; quelques dizaines d’hommes, en majorité des soldats, du côté israélien. D’un côté, des roquettes et des tunnels ; de l’autre, des drones, des avions de chasse, des chars, des moyens électroniques de surveillance sophistiqués.
La dissymétrie est aussi politique : l’armée israélienne est une armée d’occupation. On peut qualifier la résistance de « terroriste », elle n’en est pas moins résistance d’un peuple contre la domination.
La dissymétrie fait partie d’un projet politique : il s’agit d’instiller la peur chez l’ennemi palestinien et, de proche en proche, l’amener à accepter sa condition de peuple vaincu et dominé. La moindre menace contre des populations israéliennes est immédiatement suivie de représailles massives. Les appels de diplomates occidentaux à « la retenue », à « la proportionnalité », à la « modération » sont systématiquement ignorés.
La communauté internationale, s’exprimant par l’ONU, reconnait le droit d’Israël à l’existence et à la sécurité. Elle se prononce aussi contre l’occupation des territoires palestiniens, contre la politique de colonisation par Israël des territoires palestiniens et en faveur de la coexistence de deux Etats, Israël et Palestine. Pour Israël, les résolutions de l’organisation internationale n’ont aucune valeur contraignante. Si elles visent l’Irak ou l’Iran, elles ont force de loi ; si elles concernent le conflit avec les Palestiniens, elles sont nulles et non avenues.
Depuis les accords d’Oslo, Israël n’a eu de cesse de rendre non viable l’Etat palestinien. Pendant des années, il a joué le Hamas contre Arafat pour ruiner sa position d’interlocuteur. Il a coupé la Cisjordanie par un réseau de colonies et de routes. Il a transformé Gaza en camp à ciel ouvert pour deux millions de prisonniers réduits à la misère. L’alternative, un Etat unique laïc où coexisteraient Juifs et Musulmans, n’est même pas envisagée.
Dissymétrie du conflit et mépris du droit international : une telle situation requiert des sanctions internationales. Il faut que la communauté internationale impose un embargo sur le commerce des armes avec le Proche Orient, et que cette interdiction inclue non seulement l’exportation d’équipements, mais l’achat de technologies. Il faut que l’Europe annule les accords commerciaux qui privilégient Israël.
Dans un éditorial intitulé « la position du Guardian sur… une guerre futile à Gaza » publiée le 21 juillet, le journal britannique relevait que la posture d’Israël comme celle du Hamas relevaient de la politique intérieure. La destruction des tunnels comme le lancer de roquettes ne justifient pas des centaines de morts. « Cette bataille n’est pas vraiment pour des objectifs militaires, mais pour le prestige, l’orgueil et l’image de soi-même ».
L’opinion israélienne soutient en majorité les va-t-en-guerre. Elle considère que le moindre acte d’hostilité doit être écrasé sans pitié. Elle ne voit pas que la haine engendrant la haine, une fois les tunnels détruits il faudra recommencer, et frapper plus fort, et susciter encore plus de rage et de désir de vengeance parmi les populations écrasées sous les bombes.
Le seul moyen de faire basculer l’opinion, c’est d’imposer des sanctions qui rendent plus difficile la vie quotidienne des citoyens et les incitent à se poser des questions sur le bien-fondé, et sur la licéité, des actions de leurs dirigeants. Après tout, c’est ce qui a entraîné en Iran l’élection d’un président plus réaliste.
OK avec l’article. Tout aussi dur à avaler la déclaration de Netanyahou : « Les Israéliens se servent de leurs fusées pour protéger leur population alors que le Hamas se sert des civils pour protéger ses fusées ». Il voudrait qu’Israël soit le seul à profiter d’une guerre asymétrique : les combattants du Hamas devraient se présenter seuls, sur terrain découvert, mettre les civils bien loin de là, et mener une guerre « loyale », avec leurs quelques fusées et kalachnikov, contre un Tsahal suréquipé. Eh non, ça ne se joue jamais ainsi ! Citez une seule guerre de résistance, une seule guerre d’insurrection ou anticoloniale, légitime ou pas, dans l’histoire juive ou ailleurs, qui procède autrement. Par contre, la réponse diffère selon la puissance agressée : dire chiche et écraser quand même, sous les bombes dans le cas de Gaza ; ou essayer, en position de force, de trouver une issue politique au conflit.