Sans filtre

Palme d’Or au Festival de Cannes 2022, « Sans filtre », film réalisé par Ruben Ôstlund constitue une critique drôle et grinçante d’une société dirigée par l’argent roi.

La première partie du film nous fait entrer dans l’intimité d’un couple. Yaya (Charlbi Dean Kriek) et Carl (Harris Dickinson) se disputent sur le paiement d’une note de restaurant. Qui va la payer ? Qui avait promis de payer ? En arrière-fond de cette sordide histoire d’argent, il y a une question de statut. Yaya et Carl sont tous deux mannequins, mais un mannequin femme gagne trois fois plus que son équivalent homme.

Tous deux sont influenceurs sur les réseaux sociaux. Ceci leur vaut de participer à une croisière de luxe tous frais payés. Sur le yacht, la hiérarchie est stricte. Tout en bas, il y a le petit personnel, celui qui fait tourner les machines et lave les WC. Au-dessus, le « staff » en uniforme, dirigé par une cheffe impeccable, Paula (Vicki Berlin).

Au-dessus du staff, se trouvent les clients. Lorsqu’une cliente russe ordonne à une femme du staff de se baigner dans la piscine, celle-ci frise la crise de nerfs : c’est strictement interdit par le règlement.

Au-dessus des clients se trouve, en principe, le Capitaine. Mais il se trouve que celui-ci est un ivrogne patenté, barricadé dans sa cabine, aux abonnés absents. Il consent seulement de participer avec les passagers à un dîner. Il en a fixé lui-même la date : peu importe que la météo prévoie une forte tempête.

La scène du dîner du capitaine est d’une bouffonnerie explosive. Les convives en proie au mal de mer perdent leur superbe, ils ne sont plus qu’estomacs tordus de douleur. Par malheur, les vigiles armés provoquent une explosion. Fin de la croisière.

 

Quelques survivants, dont Yaya et Carl, trouvent refuge sur une île. Mais comment se nourrir, comment pêcher, comment allumer du feu quand on a eu toute sa vie des serviteurs ? Heureusement, parmi les rescapés se trouvent la cheffe du service de nettoyage des WC, Abigail (Dolly de Leon). Elle est prête à organiser la survie du groupe, à deux conditions : qu’on la reconnaisse comme capitaine, que le canot de sauvetage soit sa propriété exclusive et que Carl y passe ses nuits avec elle.

Comme dans l’île des esclaves de Marivaux, le naufrage provoque un renversement des rôles : les ultra-riches mendient leur pain, la femme de service méprisée devient celle à qui on obéit. Jusqu’au jour où un ascenseur dans une falaise semble ouvrir un retour à la normale. Une situation normale dans laquelle Abigail retrouvera sa situation d’esclave.

« Sans Filtre » mérite la Palme d’Or : la critique sociale est cinglante, mais formulée sous la forme d’une parabole dans lequel le rire, un rire jaune peut-être, est libérateur. J’avais aimé « The Square », lui aussi couronné à Cannes. Ruben Östlund est décidément un grand metteur en scène

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