Arte TV vient de diffuser un film de Serge Moati intitulé « Sigmaringen, le dernier refuge », qui relate les huit mois du gouvernement fantoche collaborationniste dans un château réquisitionné par les Nazis dans cette petite ville du sud-ouest de l’Allemagne.
Le 20 août 1944, les Allemands évacuent de Vichy le Maréchal Pétain et son gouvernement. Début septembre, ils transforment Sigmaringen en capitale de l’État Français. Le maréchal, ses ministres et leurs familles sont installés au château, confisqué à la famille Hollenzollern dans le contexte de la récente rupture d’Hitler avec l’aristocratie.
En réalité, il ne rencontrera jamais le Maréchal qui, reclus dans l’étage qui lui a été réservé, fait la grève du pouvoir. Celui-ci, ou plutôt son apparence, est exercé par une Commission gouvernementale présidée par Fernand de Brinon, et composée des « ministres » Jean Luchaire, Joseph Darnand, Eugène Bridoux et Marcel Déat.
La Commission gouvernementale est fantomatique. Seul Jean Luchaire, commissaire à l’information, a une activité réelle. Il anime un journal et une radio qui mettent en garde contre le risque juif et bolchevique en cas de victoire anglo-américaine et annonce imperturbablement la victoire de l’Allemagne.
Une scène surréaliste est le dîner de réveillon du 31 décembre 1944. Deux semaines plus tôt, les Allemands ont lancé une vigoureuse contre-offensive dans les Ardennes. Vont-ils répéter le scénario de 1940 et obliger la coalition à rembarquer à Dunkerque ou Anvers ? L’espoir renaît parmi les collaborationnistes : ils se voient déjà revenir triomphants à Paris. L’ambiance est festive.
L’assassinat de Doriot, leur rival lui aussi exilé en Allemagne, le 22 février 1944, plonge les exilés de Sigmaringen dans l’angoisse. Leur fin est proche. « Dans Sigmaringen, dit Serge Moati, j’ai voulu filmer de futurs morts ».