Dans « Simone, le voyage du siècle », Olivier Dahan raconte la vie héroïque de Simone Veil (1927-2017) avec ses sommets, la loi de 1974 sur l’interruption volontaire de grossesse, l’élection à la présidence du Parlement européen en 1979 ; et en toile de fond l’expérience de la déportation.
À l’exception de la période tragique de mars 1944 (son arrestation) à avril 1945 (la libération du camp de Bergen Belsen), le film suit un ordre chronologique : l’enfance heureuse à Nice et La Ciotat, les études à Sciences Po et la rencontre avec Antoine Veil, leur mariage et la naissance de leurs enfants, la carrière de magistrate à la direction des affaires pénitentiaires, l’engagement en politique.
Le personnage de Simone Veil est interprété par Rébecca Marder (jusqu’à l’âge de 35 ans), puis par Elsa Zylberstein (jusqu’à l’écriture de ses mémoires à l’âge de 79 ans). L’une et l’autre comédiennes donnent de Simone une image contrastée : une combattante, endurcie par la lutte égoïste pour la survie en déportation ; et aussi une femme sensible, accablée de douleur pour la mort de sa sœur Milou dans un accident de voiture, émue aux larmes par un malade du Sida, bouleversée par la rencontre de toxicomanes.
Le film d’Oliver Dahan met en relief les trois moteurs de l’existence de Simone Veil : le combat des femmes, le refus de l’injustice, la construction européenne.
Le combat des femmes : pour elle-même, d’abord, en refusant d’être femme-à-la-maison et en se battant pour devenir magistrate, une profession alors masculine ; pour les autres, avec la lutte contre des hommes de son propre camp politique pour obtenir la légalisation de l’avortement, la « Loi Veil ».
Le refus de l’injustice : le film la montre visitant des prisons sordides et exigeant que les détenus aient un accès aux soins. Pendant la guerre d’Algérie, elle fait transférer en métropole des militants du FLN détenus, menacés d’être liquidés dans des opérations punitives de l’OAS.
L’Europe : on connait son rôle comme première présidente du Parlement européen élu au suffrage universel. Le film la montre, trois ans après la libération des camps, accepter de suivre son mari en Allemagne et prendre du plaisir à apprendre la langue allemande.
Dans tous ces combats, on est frappé par la force de volonté de Simone, la même qui lui permit de survivre en esclavage. Elle résiste aux pressions de son mari pour qu’elle reste à la maison s’occuper des enfants. Elle fait la sourde oreille à sa sœur, qui voit dans son expatriation en Allemagne une sorte de pacte avec le diable. À la Pénitentiaire, elle est vue comme une emmerdeuse, et on le lui fait savoir. Au Parlement, des élus de droite l’accusent de favoriser l’euthanasie. Elle fait front, et son obstination a souvent raison des arguments de ses détracteurs.
Le film n’a pas fait l’unanimité des critiques. On lit par exemple dans Les Échos : « ce biopic besogneux n’échappe jamais aux travers de la reconstitution larmoyante, en contradiction avec la pudeur et l’exigence de Simone Veil. » De mon côté, j’ai regretté le caractère excessif de certaines scènes : les bouches déformées par la haine des députés hostiles à la loi Veil, la colère débridée d’Antoine Veil quand Simone lui répète qu’elle veut devenir avocate, la personnalité odieuse des directeurs de prison hostiles à ses réformes, la visite à des cellules de prison dignes de l’enfer de Dante.
Mais « Simone, le voyage du siècle » est fidèle à l’histoire du vingtième siècle et à la personnalité de son héroïne. C’est un film utile.