France 4 a récemment diffusé « Sur les traces de Gerda Taro », documentaire réalisé par Camille Ménager, avec la voix de la comédienne Céline Sallette.
La photographe Gerda Taro, morte à l’âge de 27 ans alors qu’elle couvrait, du côté Républicain, la guerre civile espagnole, a fait l’objet d’un des tout premiers articles du blog « transhumances » en 2019. J’y rendais compte du passionnant livre de Susana Fortes, Esperando a Capa (en attendant Capa). L’écrivaine est d’ailleurs l’un des témoins convoqués par Camille Ménager dans son film.
Les obsèques de Gerda Taro au Père Lachaise le 2 août 1937 furent suivies par des milliers de personnes. Mais sa mémoire fut engloutie pendant des décennies par la défaite du camp républicain, la seconde guerre mondiale et l’aura de celui qui fut son compagnon, Robert Capa.
Le documentaire de Camille Ménager s’inscrit dans un mouvement de reconnaissance de la personnalité exceptionnelle de cette jeune Juive née Gerta Pohorylle à Stuttgart et de son rôle de pionnière du reportage de guerre. Par son énergie, sa détermination, sa capacité à parler les langues étrangères elle lança la carrière d’André Friedman. C’est probablement elle qui fut à l’origine de leur changement de nom : Gerda Taro pour elle, Robert Capa pour lui.
Le documentaire montre le talent de la jeune photographe, son sens de l’événement et de la mise en scène. Elle photographie une jeune milicienne républicaine, un genou en terre, visant l’ennemi avec un pistolet : ses talons hauts sont en évidence. À Valence, elle photographie de derrière une grille le visage de personnes venues reconnaître des proches à la morgue. Chacun de ses clichés est rempli d’émotion.
Gerda Taro était profondément militante. Ses photos font toucher du doigt l’oppression et la misère. Mais elle était convaincue que le monde changerait de base et qu’un avenir radieux sortirait de la révolution. Elle partageait les mots de Louis Aragon, qui prononça au Père Lachaise son hommage funèbre :
Un jour d’épaule nue où les gens s’aimeront
Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche.
Lorsqu’elle participait à son dernier combat, à Brunete, les dés en étaient jetés. Les puissances occidentales n’interviendraient pas. À Barcelone, les Staliniens rompaient le front uni. La guerre d’Espagne allait être perdue. La révolution n’aurait pas lieu.