Kaas chante Piaf

Patricia Kaas est actuellement en tournée en France et dans le monde avec son spectacle en hommage à Edith Piaf.

 Patricia Kaas chante 21 chansons d’Edith Piaf, dont on célèbrera en octobre les 50 ans de la mort. Elle a en commun avec Edith des origines populaires, un timbre de voix assuré, une énergie peu commune. Elle est, comme Edith, l’un des rares chanteurs français connus à l’étranger. Des concerts sont programmés cette année à Londres, Helsinki, Istanbul, Shanghai et Tokyo, entre autres destinations européennes et mondiales.

 Son tour de chant n’est pas un « copié – collé » des concerts d’Edith Piaf. Le compositeur Abel Korzienswski, connu pour ses musiques de film, les a profondément réarrangées, de sorte qu’elles portent avec elles non seulement les émotions d’hier, mais les tonalités et couleurs d’aujourd’hui. Un danseur chorégraphie certains morceaux. Le mouvement donne à certaines chansons, telles « emportés par la foule », une grande densité. La mise en scène intègre aussi des images projetées, mais la topographie de la Patinoire de Bordeaux, pas vraiment adaptée à la scène, ne nous a pas permis d’en profiter.

 Dans Sud-Ouest du 21 mars, Patricia Kaas dit d’Edith Piaf : « c’était aussi une passionnée de l’amour, extrême dans tout ce qu’elle faisait, qui s’y est usée… Elle nourrissait ses chansons avec ses défaites amoureuses, cherchait des instants de passion… Sans doute elle aussi, comme moi, avait peur de l’ennui. » Les chansons d’Edith, leur réinterprétation par Patricia prennent aux tripes. Même un amour malheureux, disait Piaf, c’est encore du bonheur. Le spectacle de Kaas en témoigne.

Rouge ardent

J’aime « Rouge ardent », la dernière chanson d’Axelle Red.

 L’histoire est banale. Une femme se désole de l’abandon de son compagnon qui l’a quittée parce qu’il jugeait leur vie de couple ennuyeuse ; elle lui reproche d’avoir commis une erreur en la quittant.

 « Rouge ardent », dans la musique et dans le texte, nous fait toucher à la vraie poésie. « As-tu trouvé, dans les feux dans les flammes, ton rouge ardent ? As-tu froid ? As-tu peur de l’aurore ? Tu disais tout s’évapore. Tu as eu tort (…) Corps à corps j’en rêve encore. Le feu le vent mille volcans. Rouge ardent quand tu m’embrassais fort. J’en rêve encore. Le jour se lève encore ». Une histoire banale se métamorphose en vif argent, en rouge ardent.

 J’admire Axelle Red, artiste francophone dont la langue maternelle est le flamand, capable de mener de front des études d’avocate et la chanson puis la scène et l’éducation de trois enfants, ambassadrice de l’Unicef pour les droits des femmes et des enfants, amie et icône de stylistes de mode, portant magnifiquement la couleur rouge sur une peau diaphane.

Último Elvis

Último Elvis, premier film du jeune réalisateur argentin Armando Bo, nous met dans les pas d’un ouvrier qui s’est si totalement identifié avec son idole que sa propre personnalité finit par se dissoudre.

 A l’usine, tout le monde appelle Carlos Gutiérrez « Elvis ». Carlos ne ressemble guère à Elvis Presley, si ce n’est peut-être à l’Elvis des dernières années gagné par l’obésité. Mais le soir, recruté par une agence de sosies, il prête sa voix à son idole et finit par s’identifier totalement avec lui.

 Carlos/Elvis vit sur une autre planète que ses proches, séparé de sa femme Alejandra qu’il appelle Priscilla et étranger à sa petite fille qu’il a naturellement dénommée Lisa Marie. Un accident de voiture d’Alejandra et Lisa Marie va l’obliger à s’occuper de la fillette et à devenir, un peu, le père qu’Elvis ne s’est jamais autorisé à devenir. Ceci va-t-il le détourner de son projet, celui de fêter ses 42 ans à Memphis, Memphis où Elvis est mort à l’âge de 42 ans ?

 Armando Bo a choisi pour le rôle d’Elvis le chanteur qu’il avait initialement retenu pour être le coach de l’acteur principal : John MacInemy débute donc au cinéma avec ce film. Il y apporte une émotion à fleur de peau, en particulier dans l’interprétation des chansons. Les deux personnages féminins sont bien servis par Griselda Siciliani dans le rôle d’Alejandra et la jeune Margarita López dans celui de Lisa Marie.

 Último Elvis est un beau film, tout en sensibilité, basé sur un scénario solide et original. Il semble que ce soit la première fiction jamais réalisée sur le mythe d’Elvis Presley. Il constitue un bel hommage au travail musical du chanteur.

John MacInemy dans le rôle de Carlos/Elvis

Sheila, l’histoire d’une vie

Diffusé sur France 3 le 2 janvier, Le documentaire de François Goetghebeur et Jérôme Bréhier intitulé « Sheila, l’histoire d’une vie » m’a amené à réviser des préjugés.

 A l’occasion de ses cinquante ans de carrière, la chanteuse Sheila envahit les studios de radio et les plateaux de télévision. Je suis en général mal disposé à l’égard du gavage médiatique consistant à imposer au téléspectateur la célébrité du moment avec une insistance telle que même zapper ne permet pas d’en réchapper.

 J’ai toutefois regardé avec intérêt le documentaire de Goetghebeur et Bréhier. Avec intérêt et une certaine gêne. Je me targue de me défier des préjugés, mais les interviews de Sheila en 2012 et les documents d’archive retraçant sa vie mettaient en évidence des partis-pris étroits et une profonde ignorance.

 J’avais gardé de Sheila l’image d’un produit commercial du showbiz, une petite fille de français moyens propulsée sous les projecteurs, une adolescente un peu bêtasse, une chanteuse de play-back. En somme, l’image inversée d’une Barbara ou d’un Jean Ferrat, arrivés à la célébrité après des années de galère et de combat pour faire reconnaître leur talent.

 Je me suis trompé, et ce pendant cinquante ans, ce qui aggrave mon cas. Le documentaire montre une véritable artiste, passionnée par le chant et la danse, avec une belle voix et un corps de rêve sachant se mouvoir. Il donne à voir comment elle s’est réinventée, notamment aux Etats-Unis en devenant une des stars du Disco, avec Chic, Nile Rogers et les danseurs noirs B Devotion, avec d’immenses succès comme Spacer et Sing’in in the rain.  Il évoque son retour en France, la scène, les adieux à la scène, la sculpture et le roman.

 Le documentaire nous présente aussi une femme attachante, notamment parce qu’elle ne cache pas ses souffrances. Son mariage avec le chanteur Ringo, mal commencé par une cérémonie qui devait rester privée et s’était transformée en champ de foire ; ses relations difficiles avec son fils unique ; sa rupture avec son impresario de toujours, Claude Carrère ; le téléphone silencieux et les amis disparus après ses adieux à la scène dans les années quatre-vingt dix.

 J’éviterai « Vivement Dimanche » et les innombrables plateaux de télévision consacrés à Annie Chancel, devenue Sheila. Mais la chanteuse m’a « surpris en bien » comme disent les Québécois. Quitte à débusquer des préjugés, mieux vaut que ce soit dans le sens positif !