Ballet Preljokaj

 

Ballet Preljocaj, Annonciation

 

Le Ballet Preljocaj était récemment en tournée à l’Ile de La Réunion. Au Théâtre de Champ Fleuri, il a donné deux pièces intitulées « Annonciation » et « Helikopter ».

 Né en 1957 de parents albanais, Angelin Preljocaj anime une troupe de ballet basée à Aix en Provence, qui donne une centaine de représentations par an en France et à l’étranger. Preljocaj a créé 45 chorégraphies. A Saint Denis de la Réunion, il présentait deux pièces très différentes.

 « Annonciation » a été créée en 1995. Deux danseuses incarnent Marie et l’Ange.  « Incarnent » est d’ailleurs le mot qui convient. L’iconographie traditionnelle se concentre sur l’annonce, la transmission d’un message qui provoque chez elle stupeur, crainte, et finalement soumission et consentement : toi, vierge, enfanteras. Preljocaj met en scène le corps de Marie et le corps de l’ange. Leur corps à corps est fait de séduction, de révolte, d’abandon. C’est le moment de la pénétration de Marie par l’Esprit de Dieu que le chorégraphe nous donne à voir ; la conception de l’Enfant Dieu est totalement physique, et c’est pour cela qu’elle est totalement mystique. Le Christianisme parle de Dieu devenu chair, sang, sueur, larmes, mouvement, grâce. « Annonciation » met cela en scène de manière sublime. L’alternance d’une musique moderne (Crystal Music de Stéphane Roy) et de Magnificat de Vivaldi convient bien à la dialectique de l’œuvre entre corporel et spirituel et entre révolte et soumission.

 « Helikopter », pièce pour 6 danseurs de 2001, est d’un genre tout différent. Preljocaj a voulu chorégraphier une œuvre de Karlheinz Stockhausen. La musique, basée sur le hurlement des turbines d’hélicoptère, est si effrayante que l’on propose aux spectateurs des boules quiès. Mais comme dans « Annonciation », c’est la dialectique qui rend l’œuvre puissante. L’hélicoptère est en effet une machine violente qui arrache des masses à la loi de la gravitation au prix de rugissements et de vibrations. Mais c’est aussi un engin qui se glisse dans les fluides, ouvre de grands espaces, élargit notre vision du monde. Equipé de canons, il apporte la mort ; aux mains de secouristes, il donne le salut. C’est cette ambivalence qu’expriment les danseurs avec leurs corps, sur une scène rendue mouvante par des projections de formes géométriques animées.

Tournée

La chaîne de télévision Arte a récemment diffusé le film de Mathieu Amalric « Tournée », prix de la mise en scène au Festival de Cannes en 2010.

 « Elles », c’est une troupe de femmes américaines intitulée « Cabaret New Burlesque ». Elles sont plutôt potelées, plus toutes jeunes, ne correspondent pas aux canons de la beauté qu’on attend de strip-teaseuses. Pourtant, leur spectacle consiste à montrer leurs corps, maquillés et tatoués à l’extrême, dans le mouvement de la danse, de la musique et du chant. Elles sont pleines d’énergie, d’humour et de féminité.

 Lui, Joachim Zand (Mathieu Amalric lui-même) est leur producteur. Il a fui la France il y a quelques années à la suite d’embrouilles pour refaire sa vie aux Etats-Unis. Il a convaincu la troupe de faire une tournée dans son pays natal, commençant par les ports, Le Havre, Nantes, La Rochelle, Toulon et s’achevant à Paris. Mais l’étape parisienne ne se fera pas. La salle promise lui est finalement refusée. Ses efforts désespérés pour trouver une solution de rechange se heurtent au refus haineux de ses associés d’autrefois. Sa vie affective elle-même est un désastre : ex-fiancée hostile, enfants sur une autre longueur d’onde.

 A l’exubérance baroque des femmes de la troupe, à leur goût de vivre ici et maintenant sans souci du lendemain s’oppose la personnalité inquiète, tendue, flambeuse de Joaquim. Ce qui les unit, c’est le spectacle. Amalric cite Colette : « l’illusion de vivre très vite, d’avoir chaud, de travailler, de ne penser guère, de n’emporter avec nous ni regret, ni remords, ni souvenir ».

 Joaquim donne en permanence l’impression de vivre sur le fil du rasoir, jusqu’à sembler proche parfois du suicide. Mais il se remplit de l’énergie des femmes, celles de la troupe et celles qu’il rencontre par hasard. A une station service d’autoroute, il demande à la caissière de couper la musique d’ambiance – sa phobie, dans les hôtels, les restaurants et dans tous lieux publics. Il s’en suit une discussion toute en humanité entre l’homme et la femme séparés par l’hygiaphone.

 « Tournée » est un film puissamment original, qui nous dit que les femmes savent mieux que les hommes donner un sens à leur vie en savourant chaque moment comme si c’était le dernier. Au lieu de s’achever par un spectacle triomphal à Paris, la troupe échoue dans un hôtel désaffecté au bord de la mer. Il y aurait lieu de se désespérer. Mais : Champagne !

Mathieu Amalric avec la troupe Cabaret New Burlesque

Singing in the rain

Particpants à un festival en Ecosse. Photo The Guardian.

C’est officiel : les quatre dernières compagnies britanniques de gestion des eaux qui maintenaient l’interdiction de l’usage des tuyaux d’arrosage y ont renoncé.

 Plusieurs compagnies avaient annoncé en mars la prohibition des tuyaux d’arrosage à la suite de deux hivers particulièrement secs qui menaçaient les nappes phréatiques. Quatre d’entre elles l’ont maintenue contre vents, marées, trombes d’eaux, inondations et noyades. Les noms de ces héros méritent d’être cités : South East Water, Sutton and East Surrey Water, Veolia Water Central et Veolia Water Southeast. Deux d’entre elles appartiennent à un groupe français et c’est peut-être leur ascendance gauloise qui leur confère cette irréductible et louable obstination. Elles ont toutefois fini par capituler, peut-être simplement parce que le jardinier qui arroserait son jardin en cette période passerait pour un original irréductible.

 Avril, mai et juin ont été chacun les mois les plus pluvieux en Grande Bretagne depuis que les statistiques existent (1910) et juillet suit le même chemin. Les organisateurs des Jeux Olympiques se préparent au déluge. Leurs plans de contingence vont de l’acquisition massive de ponchos au report d’épreuves empêchées par des terrains détrempés.

 De nombreux festivals sont annulés, d’autres se déroulent dans la boue. Les gens chantent et dansent sous la pluie. L’atmosphère festive qui imprègne la Grande Bretagne en cette année de Jubilée et de Jeux ne se dément pas. Le soleil aurait été bienvenu. Mais les averses se prêtent aux parapluies partagés, aux conversations sur l’ineptie des météorologues, à la contemplation de pelouses d’un vert intense. L’Angleterre pensait affronter la sécheresse. Elle assiste avec soulagement à la confirmation de son statut de pays humide.