L’église Saint Syméon de Bouliac

Chœur de l’église Saint Syméon de Bouliac

Bouliac, commune de la périphérie de Bordeaux juchée sur une colline de la rive droite de la Garonne, offre au visiteur une jolie église romane : Saint Syméon.

 De l’extérieur, l’église présente un aspect curieux. Le bâtiment, construit au douzième siècle, est de style roman, mais un casernement de soldats fortifié a été construit pendant la guerre de cent ans en aplomb du chœur ; le clocher date quant à lui de 1863. Du parvis, on jouit d’une ample vue sur Bordeaux et la vallée de la Garonne.

 Sous le porche roman, le regard est attiré par d’intéressants chapiteaux, malheureusement abîmés. En entrant dans la nef, le visiteur est frappé par l’harmonie du chœur roman, où coexistent le dessin architectural initial, de jolis chapiteaux, des vitraux modernes, un autel reposant sur des sarcophages mérovingiens et un reliquaire de la Renaissance qui gagnerait à être décapé.

 Le plafond de la nef est en bois, comme le sont par ailleurs la vaste tribune d’orgue, la chaire sculptée et le confessionnal. Les murs sont entièrement recouverts de peintures murales du dix-neuvième siècle, dans le style médiévaliste qui illustrait encore les catéchismes des années 1950. Ces peintures ont été récemment restaurées. Si elles heurtent notre esthétique d’aujourd’hui, il est probable qu’elles prendront leur place dans le goût des générations futures. C’est la préservation de styles différents qui donne à l’église Saint Syméon un caractère très spécial : des générations de croyants se sont succédées ici, et leur souffle est sensible dans les œuvres d’art qu’elles nous ont transmises.

Saint Martin partage son manteau, fresque murale dans l’église Saint Syméon de Bouliac

William Morris à Kelmscott Manor

Kelmscott Manor, photo "transhumances"

La visite de la maison de campagne de William Morris, Kelmscott Manor, dans les Cotswolds, permet de pénétrer dans l’intimité d’un homme exceptionnel. C’est aussi, par son jardin et sa proximité de la Tamise, un but de promenade agréable.

 William Morris a loué Kelmscott Manor en 1871, alors que son entreprise d’arts décoratifs commençait à faire de lui un homme riche. Son colocataire était son ami le peintre préraphaélite Dante Gabriel Rossetti. Morris pensait trouver là un oasis de bonheur avec sa femme Jane et ses filles Jenny et May. Les premières années furent difficiles : son mariage battait de l’aile, et Jane et eut une liaison avec Rossetti à Kelmscott Manor pendant que Morris voyageait en Islande. Cela n’empêcha pas William Morris de rester attaché au manoir jusqu’à sa mort, en 1896. Jane acheta le manoir en 1913 et May le légua à l’Université d’Oxford. Il est maintenant propriété de la Society of Antiquaries. La disposition de la maison et son ameublement restent ceux qui existaient à l’origine.

 Le manoir reste habité par la famille Morris. On y trouve des dessins et des toiles de Rossetti représentant Jane et ses filles, des photographies, du mobilier créé spécifiquement pour la maison, des tapisseries, des modèles de papier peint. La visite du jardin complète celle de la maison. L’obsession de Morris pour les entrelacs végétaux, qui sera à la génération suivante partagée par les pionniers de l’Art Nouveau, s’inspire directement de ce jardin qu’il avait voulu riche et luxuriant. 

Sur les bords de la Tamise, géométrie végétale. Photo "transhumances"

Le bâtiment date d’environ 1570, avec une aile ajoutée un siècle plus tard. Bien que construit en une pierre grise austère, il s’insère harmonieusement dans le doux paysage des Cotswolds. A proximité coule la Tamise, que l’on peut longer sur une longue distance sur un chemin piétonnier. En ce dernier samedi de septembre, la promenade est délicieuse.

 Attention : le manoir n’ouvre que jusqu’en octobre, et seulement le mercredi et le samedi. Mais il vaut une priorité dans les agendas !

La Maison Rouge de William Morris

"Si je puis", devise de William Morris à Red House. Photo "transhumances".

Red House, à Bexleyhead, près de Greenwich au sud-est de Londres, est la maison de William Morris fit construire en 1859 – 1860 par son ami l’architecte Philip Webb.

 « Transhumances » a consacré une chronique au poète, décorateur et militant socialiste William Morris (1834 – 1896). Cet homme hors du commun a été aussi mentionné dans d’autres chroniques, comme la note de lecture de « la Carte et le Territoire » de Houellebecq et, plus récemment, l’exposition sur les Préraphaélites à la Tate Britain.

 Morris fit construire Red House après son mariage avec Jane Burden en 1859. Le bâtiment est typiquement préraphaélite par son style médiéval et l’importance donnée au jardin environnant. Bien que de vastes dimensions, il reste toutefois à taille humaine, et on comprend que William, Jane et leurs filles Jenny et May aient coulé là des jours heureux. Les Morris n’y restèrent que 5 ans. Des difficultés financières et le besoin d’être souvent à Londres pour des raisons de travail les amenèrent à se transférer au centre de la capitale.

 La maison était conçue comme un espace de création. Au premier étage, le studio était la salle la plus lumineuse. Mais toutes les pièces de la maison, les vitres, les plafonds, les meubles, étaient peints ou décorés.

 Le National Trust a acquis Red House il y a dix ans. Si la structure reste intacte, l’aménagement et la décoration ont été profondément altérés par 150 ans d’occupation par des familles étrangères à l’esthétique préraphaélite. Peu à peu les restaurateurs importent des pièces de mobilier et des œuvres d’art, mais il faudra encore de nombreuses années pour que le visiteur se sente dans l’ambiance des années 1860.

Red House. Photo "transhumances".

José-María Sert au Petit Palais

José-María Sert, les quatre saisons, l'Amérique, 1917 - 1919

Le Petit Palais présente, jusque demain dimanche 5 août, une superbe exposition consacrée au peintre et décorateur catalan José María Sert intitulée « le titan à l’œuvre ».

 Il y a un paradoxe en José-María Sert. De son vivant (1874 – 1945), il fut un artiste reconnu, un industriel de l’art recevant des commandes faramineuses des deux côtés de l’Atlantique, un homme du monde recevant à sa table des personnalités telles que Renoir, Toulouse Lautrec, Odilon Redon, Chanel, Ravel, Poulenc, Satie, Claudel. Il fut l’époux de deux femmes exceptionnelles, Misia Gobeska puis Roussadana Mdivani, qui lui ouvrirent les salons de Paris et de New York. Il est aujourd’hui tombé dans l’oubli, et comme le montre l’exposition du Petit Palais, injustement. Cela tient peut-être au fait que son art, d’immenses toiles conçues pour un contexte architectural particulier, s’apprécie mieux « in situ » que dans un musée. L’oubli s’explique aussi certainement par le positionnement politique de Sert, vivant confortablement à Paris pendant l’occupation allemande et fournissant au franquisme un hommage à ses martyrs en plein cœur de la Catalogne rebelle : les gigantesques toiles décorant la cathédrale de Vic.

 J’avais visité un client, charcutier industriel, à Vic il y a juste dix ans. Je me rappelle d’une ville, pittoresque mais fortement imprégnée d’une odeur d’abattoirs et de tannerie. La cathédrale a été incendiée au début de la guerre civile espagnole en 1936. Elle fut au cœur des préoccupations de Sert : il produisit un premier projet de décor gigantesque avant la première guerre mondiale, qu’il dut abandonner faute de fonds. Il réalisa un second projet qui fut installé en 1927 – 1929 mais fut détruit dans l’incendie. Les toiles conservées actuellement dans la cathédrale : elles furent installées en 1945, peu avant la mort de l’artiste.

 José-María Sert admirait les toiles des peintres vénitiens, en particulier Tiepolo. Ses monumentales installations en conservent le souffle baroque, le contraste des couleurs, la théâtralité. Il avait développé une technique propre. Il travaillait en studio, sur la base de photographies ou de mannequins articulés qui lui donnaient plus de flexibilité que des modèles vivants. Il présentait ses projets aux acheteurs sous la forme de maquettes en trois dimensions, dont certaines, magnifiques, sont présentées au Petit Palais. Les œuvres étaient ensuite ramenées à une série de carreaux et réalisées sur place par des exécutants.

 L’exposition du Petit Palais a constitué pour moi une découverte. Il faut aussi souligner que les collections permanentes du musée, dont l’accès est gratuit, sont d’un grand intérêt, et présentées dans un cadre superbe.

José-María Sert, les noces de Camacho, pour le Wadorf Astoria, 1931